Fukushima, octobre 2011

1er octobre

  • Le Wall Street journal révèle que pendant des années l’Agence de sûreté nucléaire japonaise a manipulé l’opinion publique avec la complicité de l’industrie nucléaire en envoyant des ouvriers du nucléaire dans les réunions d’enquête publique, pour y émettre des opinions favorables au nucléaire.

4 octobre

  • Un réacteur japonais s’arrête suite à une panne. Il n’en reste plus que 10 en fonctionnement.
  • EDF demande le report de l’enquête publique sur l’EPR prévu à Penly, estimant qu’il faut d’abord prendre en compte les nouvelles consignes de sûreté. L’enquête avait déjà été reportée en juin 2011.
  • La CGT s’inquiète de l’arrivée de moteurs d’avions et d’hélicoptères japonais radioactifs au centre d’entretien Turbomeca de Tarnos (Landes).
  • Douze experts de l’AIEA, Agence internationale pour l"énergie atomique, viennent renforcer les équipes japonaises pour étudier comment mener des opérations de décontamination des sols en dehors de la zone interdite.
  • 130 enfants habitants la région de Fukushima ont été contrôlé au niveau des hormones thyroïdiennes par la Fondation Tchernobyl-Japon de Matsumoto . 10 d’entre eux présentent déjà des irrégularités qui indiquent que la thyroïde a été atteinte. Le gouverneur de la région annonce un contrôle systématique de tous les enfants (360 000 dans la préfecture). Ce contrôle régulier est mis en place… pour toute la durée de vie de ces enfants 

5 octobre

  • Parution d’un hors-série du Canard enchaîné « Nucléaire, c’est par où la sortie ? Le grand débat après Fukushima ». 
  • L’association japonaise des Citoyens contre le nucléaire publie une série de mesure réalisée dans la ville de Fukushima. Certaines mesures atteignent 307 000 bq/kg soit plus de trente fois la limite au delà de laquelle les gens devraient être évacués selon les normes de l’Etat. Alors que le gouvernement incite les gens à revenir dans les villes proches de la limite de la zone interdite, l’association elle, demande que l’on évacue au plus vite les femmes enceintes et les enfants.

6 octobre

  • L’ Institut japonais de surveillance des maladies infectieuses publie des courbes concernant les différentes maladies dans le pays : pour toutes les maladies, on observe une augmentation importante du nombre de cas : vivre dans l’angoisse rend malade. 

7 octobre

  • L’Allemagne annonce l’inauguration de la plus grande centrale photovoltaïque au monde (330 000 modules couvrant deux cents hectares pour 78 MW). Ce projet de centrale a été lancé deux mois après l’accident de Fukushima… et est déjà en fonctionnement. Preuve que l’on peut sortir du nucléaire très vite si on veut s’en donner les moyens. 
  • La Finlande, qui a un EPR en construction, annonce son intention de construire un autre réacteur à partir de 2015 au nord du pays. 
  • L’Assemblée de Corse a adopté à l’unanimité une motion contre la décision de la cour d’Appel de Paris qui a stoppé les plaintes des malades de la thyroïde, victime du nuage radioactif en France. L’Assemblée de Corse a décidé d’organiser une colloque international à Paris pour prendre l’opinion internationale à témoin et dénoncer les pratiques de l’Etat français.

9 octobre

  • TEPCO s’inquiète de la montée du taux d’hydrogène dans le réacteur n°1. Celui-ci frôlerait le taux de 4 % au-delà duquel une explosion est possible.

10 octobre

  • TEPCO annonce avoir réussi à faire baisser le taux d’hydrogène en perçant des trous d’aération, mais avoue ignorer l’origine de cette production d’hydrogène.
  • Le quotidien japonais Mainichi Japan titre « Tokyo vit dans l’illusion que les choses redeviennent normal alors que la zone de Fukushima ressemble à une zone de guerre ».

11 octobre

  • Alors que les services de nettoyage passent les toits des maisons au jet d’eau pour essayer d’évacuer la radioactivité et rendre les lieux d’habitation moins contaminés, des mesures faites sur 885 lieux montrent que la bataille est vaine : à chaque pluie, le taux de radioactivité remonte 

12 octobre

  • La Grande-Bretagne annonce avoir fini de vérifier la fiabilité de ses réacteurs et maintenir son programme nucléaire futur. Le texte rendu public affirme « Le dispositif de sécurité nucléaire britannique est l’un des meilleurs au monde »… juste après celui du Japon sans doute.
  • Le quotidien Asahi annonce que du strontium et du césium ont été trouvé lors d’analyse sur les toits de la ville de Yokohama. Cette ville se trouve à 250 km de Fukushima, plus au sud que Tokyo.
  • Le quotidien Asahi donne les résultats d’un enquête : alors que 62 % des personnes évacuées souhaitaient rentrer chez elles en juin 2011, elles ne seraient plus que 43 % aujourd’hui. Réalisme ou résignation ?
  • Après avoir annoncé une baisse du tourisme de 50 % pendant l’été 2011, l’Office du tourisme japonais lance une grande opération : 10 000 billets d’avion gratuits. Il ne précise pas si la visite de Fukushima est également offerte.
  • Les autorités de Tokyo interdise le passage dans une rue de l’arrondissement de Setagaya, après la découverte d’un taux de radioactivité de 2,7 microsieverts par heure. Ce sont les habitants de la rue qui ont fait initialement des mesures avant qu’elles ne soient confirmées par des officiels. Ce niveau de contamination est du même ordre que ceux de la ville d’IItate qui a été évacuée. Quand commence-t-on à évacuer Tokyo 

13 octobre

  • Selon les autorités, les radiations élevées trouvées dans une rue de Tokyo proviendraient d’un vieille boite contenant des sources de radium 226 autrefois utilisées pour faire briller les chiffres des montres. Des scientifiques japonais affichent alors leur septicisme : comment un émetteur alpha d’aussi faible radioactivité peut-il émettre au-delà de bouteilles en verre, d’une caisse en bois, de murs en béton, aux doses mesurées ? L’explication initiale : une accumulation de poussières radioactives apportées par la pluie semble beaucoup plus vraissemblable.
  • Les inspecteurs de l’AIEA ont demandé au Japon d’intensifier les efforts pour limiter l’exposition des populations aux radiations, notamment en nettoyant les sols où les gens n’ont pas été évacués.

14 octobre

  • Un appel des Femmes du Japon annonce que du 30 octobre au 5 novembre, un sit-in est organisé à Tokyo devant le siège du Minsitère de l’Economie, de Commerce et de l’industrie sur le thème « Il est temps de rompre le silence » .
  • Le maire de Tokaimura, commune où se trouve une centrale nucléaire âgée de 33 ans, située entre Tokyo et Fukushima, a demandé l’arrêt et le démantèlement du réacteur, estimant que le danger de cette énergie est trop grand. Le réacteur appartient à TEPCO.
  • Un groupement de producteurs de thé annonce l’arrêt de la commercialisation de la récolte 2011 après la découverte de lots contaminés (entre 800 et 1500 becquerels par kilo, limite autorisée : 500) : ils estiment en effet impossible de vérifier les lots un par un.

15 octobre

  • Entre 12000 et 15000 personnes manifestent à Rennes pour la sortie du nucléaire et l’arrêt de la construction de l’EPR de Flamanville. Dans la foule : Eva Joly (EELV), Corinne Lepage (Cap21), Philippe Poutou (NPA). Ils étaient également 2000 devant la centrale de Bugey, près de Lyon. Il y avait également un millier de participants aux manifestations de Bordeaux, Toulouse, Avignon, Dunkerque, Strasbourg… Soit plus de 20 000 personnes au total. 
  • Comme chaque jour, les quotidiens japonais donnent des exemples de mesures de contamination trop élevé dans la nourriture : riz, thé, poisson, algues… Et à chaque fois, les producteurs se disent incapables de faire les vérification nécessaires.
  • Les quotidiens japonais révèlent que le gouvernement a fait faire des études pour savoir ce qui se passerait au cas où l’un des réacteurs s’enfonce dans le sol et échappe alors à tout contrôle (ce que les Etats-Unis appellent le « syndrôme chinois »). Les études ont été lancées fin mars, deux semaines après l’accident… et sept mois après, on ne sait toujours pas si ce scénario catastrophe peut se produire ou non. Tout ce que l’on sait c’est que les arrosages d’eau permettent de maintenir la température de surface des cœurs autour de 100°C, mais on ignore la température plus profondément. 
  • TEPCO annonce avoir 175 000 tonnes d’eau contaminée à traiter, sanc ompter les fuites qui ont pollué la mer et les nappes phréatiques. Pour rappel, le 22 juin 2011, lorsque l’opération de « recyclage » est lancée, avec le soutien d’Areva, on en était à 110 000 tonnes… et tout devait être traité en 150 jours. Tout cela n’était donc que de la communication ! Comme c’était prévisible, il n’existe aucun moyen de traiter l’eau radioactive…

17 octobre

  • TEPCO annonce que le réacteur n°1 est maintenant entièrement couvert par un sarcophage en fibre de polyester. Cela ne change pas grand chose au contrôle du réacteur, mais devrait permettre de limiter la pollution radioactive : les eaux de pluie ne ruisselleront plus directement sur le réacteur, les particules voleront moins loin. Inconvénient : l’intérieur va devenir plus radioactif et ceux qui y travaillent recevoir des doses plus importantes.
  • Selon les dernières mesures faites par TEPCO, 2,4 gigabecquerels sortent encore chaque jour du site de Fukushima. Par comparaison, la centrale en fonctionnement normal est autorisée à rejeter 0,8 gigabecqueresl… par an. On est donc encore à plus de 1000 fois les limites autorisées. 

18 octobre

  • Une école de Tokyo a été évacuée après qu’un contrôle ait montré un taux de radioactivité particulièrement élevé (4 microsiverts par heure). On est pratiquement au double de ce qui a été mesuré le 12 octobre dans une rue de Tokyo et où les autorités ont eu la bonne idée de trouver des bouteilles de radium. Que vont-ils trouver cette fois-ci pour ne pas avoir à avouer qu’il faut évacuer Tokyo ?

19 octobre

  • Le Monde publie un reportage sur les « villes mortes » de Fukushima. Alors que le gouvernement affirme que les gens peuvent revenir jusqu’à la zone interdite de 10 km de circonférence, personne ne le fait. Au contraire, de plus en plus de gens partent. La ville de Minamisoma n’a pas été officiellement évacuée… mais la mairie estime que la moitié des 70 000 habitants ont déjà déménagés. Ceux qui restent sont les invalides. Ainsi dans les hôpitaux de la ville, la moitié du personnel médical manque alors que le nombre de malades est en hausse de 8 %. 

20 octobre

  • Interrogé lors d’une conférence de presse, Yukio Edano, ministre de l’économie, a reconnu que l’option d’arrêter tous les réacteurs nucléaires était envisagé par le gouvernement. Au moins 70 % de la population soutient cette position. 
  • En visite devant le port militaire de Toulon, Cécile Dufflot a rappelé qu’Europe-Ecologie-Les Verts était pour une sortie du nucléaire civil et militaire.
  • Areva annonce un vaste plan de licenciement et convoque l’ensemble des syndicats. La relance du nucléaire n’a plus aucune chance d’avoir lieu.

21 octobre

  • L’ambassade de France en Inde annule une tournée de conférences que devait faire Areva dans le pays, estimant le sujet « trop sensible ».
  • La Chine annonce une réduction de ses objectifs de développement du nucléaire. Normalement, la fin de la construction des réacteurs en chantier actuellement devrait permettre d’atteindre une puissance de 40 GW en 2015. L’objectif annoncé pour 2020 était jusqu’à alors de 86 GW. Le gouvernement annonce qu’il réfléchit à un nouvel objectif autour de 60 GW. En attendant le moratoire actuel sur le lancement de nouveaux chantiers est maintenu.

22 octobre

  • Une étude publiée au Japon indique que 70 % des personnes qui ont été déplacées suite au tremblement de terre et à la pollution radioactive, sont aujourd’hui au chômage.

24 octobre

  • Le gouvernement japonais demande à Tepco de provisionner un fonds d’aide aux victimes à hauteur de 24 milliards d’euros. Il ne s’agit que d’un premier versement. Tepco devra atteindre 43 milliards d’euros d’ici mars 2013. 
  • Les autorités japonaises sont confrontées à un nouveau problème : les fumées d’incinérateurs qui brûlent les déchets ménagers, concentrent la radioactivité et la redispersent dans les airs. Les incinérateurs produisent en plus des cendres et des mâchefers hautement radioactifs. Certaines villes ont décidé d’arrêter les incinérateurs… mais ne savent plus où stocker les ordures ménagères. La seule ville de Nagareyma a déjà estimé avoir dépensé 2,3 millions d’euros pour pallier l’arrêt de son incinérateur. 

26 octobre

  • Selon les données communiquées par la ville, les incinérateurs de Tokyo accumulent 2,15 milliards de becquerels par jour dans les filtres et 1,76 milliard dans les cendres (mâchefers). Les données pour les rejets dans l’air ne sont pas communiqués ! Les retombées de ces incinérateurs pourraient expliquer que l’on trouve dans Tokyo des tâches de radioactivité très élevées.
  • Selon la télévision allemande ZDF , les ouvriers qui travaillent à Fukushima ont du signer un contrat avec TEPCO dans lequel ils s’engagent à ne pas porter plainte s’ils tombent malades. Pour le moment, deux ouvriers sont morts le jour de l’accident, trois autres depuis mais TEPCO affirme que cela n’a rien à voir avec les doses reçues.

27 octobre

  • En manque de liquidités, TEPCO a vendu pour 188 millions d’euros de parts dans la société Eurus à Toyota. Eurus est le premier producteur d’électricité par éoliennes au Japon (plus de 2000 MW installés). 
  • Jean-Luc Mélanchon demande que l’ensemble de la gauche organise un référendum sur le nucléaire sur le même modèle que les primaires socialistes.
  • L’usine Comurhex, filiale d’Areva, située à Narbonne (Aude), cesse son activité pour deux mois à partir du 1er novembre. Cette usine purifie habituellement l’uranium en amont de la fabrication du combustible. Elle avait comme principal client TEPCO. 250 salariés sont au chômage technique. Areva a démenti une annonce parue dans Le figaro qui annonçait entre 3000 et 4000 suppressions d’emplois dans le groupe.
  • Le gouvernement du canton suisse du Valais publie une étude commandée dans le cadre de la sortie du nucléaire, étude portant sur les possibilités du solaire photovoltaïque. Elle conclut qu’en couvrant 35 % des surfaces du canton, on obtiendrait environ 800 GWh par an… alors qu’un réacteur nucléaire en produit 5800 GWh et que le canton en consomme 3200 GWh. Par contre l’étude souligne qu’en terme de coût, cela est jouable, le prix du kWh photovoltaïque baissant rapidement.
  • Le gouvernement japonais estime qu’il faudra au moins 30 ans pour décontaminer la région de Fukushima. Bel optimisme ! A Tchernobyl, 26 ans après, la zone interdite est toujours innettoyable. 
  • L’IRSN, Institut français de recherche sur la sûreté nucléaire, estime que la pollution radioactive de la mer au large de Fukushima est la plus importante de l’histoire du nucléaire. Selon l’IRSN, les rejets en mer ont été sous-estimés : ils seraient 20 fois plus important en césium 137 que ce qu’avait annoncé TEPCO. Pour l’ensemble du Pacifique, cela représente deux fois plus que l’ensemble des retombées des essais atmosphériques des années 1960. L’IRSN commence aussi à donner des chiffres concernant d’autres isotopes radioactifs. Ainsi pour le Xénon 133 (dont la période est de 5,2 jours), les rejets auraient été 2,5 fois plus importants que pour Tchernobyl. Selon l’IRSN, ces rejets ont eu lieu avant le tsunami, ce qui indique que c’est bien le tremblement de terre qui a provoqué l’accident et non la vague qui a suivi.

28 octobre

  • Selon Les Echos , EDF suspend ses projets d’EPR en Grande-Bretagne, estimant les conditions financières non-réunies. Comprendre : le gouvernement ne veut pas accorder de subventions. Sans subventions, le nucléaire n’est pas rentable.
  • TEPCO demande à l’Etat japonais une aide de mille milliards de yens (9,4 milliards d’euros) pour venir en aide aux victimes. 
  • La Belgique confirme le maintient du plan de sortie du nucléaire adopté en 2003, qui prévoit la fermeture de ses réacteurs entre 2015 et 2025.
  • Le Monde publie un article affirmant que l’accord Verts-PS prévoirait la fermeture de plusieurs réacteurs nucléaires. EDF baisse de 5,52 % en bourse. 

31 octobre

  • Le Figaro titre : « La bourse ne croit plus au nucléaire ». Depuis le 11 mars dernier, les actions d’EDF ont baissé de 28 %, Areva de 27 %, RWE (électricien allemand) de 36,3 %, E-On (électricien allemand) de 22 %… alors que Siemens qui a annoncé son retrait du nucléaire n’a baissé que de 16 %.
  • Une mission d’experts nommée par le gouvernement japonais rend son rapport : elle conclut qu’il n’est pas impossible qu’il faille une trentaine d’années pour arrêter les réactions nucléaires en cours.
  • Le CD qui s’est le mieux vendu au Japon cet été s’intitule « Dare ni mo mienai » soit « Les radiations, personne ne peut les voir ». C’est le chanteur de reggae Rankin Taxi qui en est l’auteur.