Fukushima, juillet 2012

1er juillet

  • Japon : la compagnie Kansai Electric Power annonce le redémarrage du réacteur n°3 de la centrale d’Ohi. La réaction en chaîne a été réactivée. Au même moment, plusieurs centaines de personnes campent toujours devant la résidence du premier ministre. La centrale d’Ohi étant au bout d’une presqu’île avec une seule route d’accès, quelques centaines de manifestants ont réussi à bloquer l’accès à la centrale… obligeant le président de la compagnie Kepco à se rendre à la centrale… en bateau.

3 juillet

  • France : le groupe EELV est reçu par la ministre de l’Ecologie. A la sortie, il se dit de nouveau confiant… sans précision.
  • Espagne : la centrale de Garoña, mise en route en 1971, voit son activité prolongée jusqu’en 2019 ! Vives réactions des opposants.
  • Belgique : le gouvernement adopte un nouveau plan de sortie du nucléaire. Deux réacteurs de Doel, mis en service en 1975, seront fermés en 2015, quatre réacteurs de Doel et Tihange seront fermés entre 2022 et 2025, le dernier à Tihange fonctionnera jusqu’en 2025 (il aura alors 50 ans). 

4 juillet

  • Japon : le réacteur n°3 de la centrale d’Ohi est rebranché au secteur et recommence à produire de l’électricité. A l’extérieur de la centrale, des centaines d’opposants manifestent depuis le 29 juin. Elle fonctionne dans les mêmes conditions qu’avant l’accident de Fukushima. Comme si rien ne s’était passé…
  • Japon : selon le groupe d’information économique Nikkei, il y aurait actuellement plus de 100 parcs photovoltaïques (entre 1 et 100 MW) en construction dans le pays.

5 juillet

  • Japon : la commission parlementaire chargée d’étudier la part du séisme et du tsunami dans la catastrophe de Fukushima a remis un rapport de 620 pages. Elle conclut intelligemment en rappelant que c’est d’abord une catastrophe créée par l’homme… « L’accident (..) est le résultat d’une collusion entre le gouvernement, les agences de régulation et l’opérateur Tepco, et d’un manque de gouvernance de ces mêmes instances » . Il y a bien eu un séisme et un tsunami… mais leurs effets ont été terribles car les travaux prévus de longue date pour s’en protéger n’ont pas été effectués pour des raisons purement financières. Cette enquête donne des informations fort différentes des rapports lénifiants de TEPCO, jusqu’alors les seuls disponibles. Le rapport remet en cause la version selon laquelle c’est le tsunami qui a provoqué l’accident. Les témoignages recueillis montrent au contraire que le séisme a sûrement largement contribué à entamer le processus de la catastrophe. Ce dernier point est important : cela signifie qu’un réacteur, même éloigné des côtes (comme c’est le cas en France, mais pas au Japon) peut subir un accident similaire avec seulement un fort séisme.
  • France : Corinne Lepage estime que le rapport japonais sur les causes humaines de l’accident de Fukushima peut être transposé à la France « qui souffre des mêmes faiblesses ».
  • France : dans Le Figaro , André-Claude Lacoste, président de l’Autorité de sûreté nucléaire, annonce que si d’ici fin juillet 2013, les travaux de mise aux normes à Fessenheim ne sont pas terminés, la centrale sera fermée.

6 juillet

  • Publication au niveau mondial d’une étude sur l’avenir du nucléaire réalisée par Mycle Schneider et Antony Froggatt. Ce rapport montre le déclin du nucléaire engagé de manière irréversible depuis l’accident de Tchernobyl et accéléré depuis l’accident de Fukushima. Le déclin se traduit par un recul de la production nucléaire dans la part de production électrique globale et par un vieillissement du parc nucléaire mondial. Ceci s’accompagne d’une augmentation des coûts de production qui rend le nucléaire de plus en plus inadapté aux réalités économiques.
  • Japon : plusieurs dizaines de milliers de manifestants devant le siège du premier ministre avec comme slogan « Saikado hantai » (non à la relance).
  • France : Dans Libération, la nouvelle ministre de l’écologie Delphine Batho affirme que l’on va finir l’EPR de Flamanville, fermer Fessenheim et que l’ « on ne construit pas l’EPR à Penly ».

7 juillet

  • Belgique : le quotidien Le Vif révèle que les experts du ministère chargé de mettre en place la sortie du nucléaire n’avaient pas prévu de prolongement du dernier réacteur de Tihange de dix ans et qu’il s’agit donc d’un calcul purement électoral.
  • France : Europe Ecologie Les Verts demande au gouvernement de stopper le projet Astrid. Ce nouveau projet de surgénérateur bénéficie d’un crédit de 650 millions soit dix fois le budget annuel de la recherche dans le domaine des photopiles. Pour EELV, il est temps de consacrer les budgets de recherche aux bonnes solutions : Astrid n’est pas prévu pour fonctionner avant 2040-2050… d’ici là les renouvelables seront d’un coût beaucoup moins coûteux et surtout moins dangereuses.

9 juillet

  • Japon : le réacteur n°3 d’Ohi a atteint sa pleine puissance. Les opposants posent la question du plan d’évacuation en cas d’accident : il n’y a qu’une route et qu’une ligne de chemin de fer qui relie la presqu’île où est située la centrale : comment procéder pour évacuer rapidement les 300 000 habitants de la presqu’île ?
  • Japon : le journaliste indépendant Minoru Tanaka, 52 ans, passe en procès. Il est attaqué par une entreprise du nucléaire New tech pour diffamation. Dans un article le journaliste avait dévoilé comment de l’argent circule entre Tepco et des entreprises sous-traitante comme celle-ci en dehors des contrats légaux. Reporters sans frontière dénonce une opération visant à intimider l’ensemble de la profession.
  • France : selon un rapport de l’IRSN, 343 988 travailleurs ont été exposés à des radiations en France en 2011, un nombre en hausse de 4 % par rapport à 2010. Seuls 3,5 % ont subi une dose annuelle de plus de 1 mSv et 0,5 % une dose supérieure comprise entre 6 mSv et 20 mSv, dose maximale autorisée. Douze travailleurs ont dépassé la limite légale et cinq ont dépassé 50 mSv. Le record a été de 160 mSv pour un chercheur. A ceux-ci, l’IRSN ajoute 21 195 personnes travaillant dans les avions et dont la dose d’exposition annuelle est en moyenne de 2 mSv.
  • France-Japon : en visite au Japon, Laurent Fabius, ministre socialiste des affaires étrangères, propose une coopération entre les deux pays pour relancer le nucléaire ! Et comme on n’en est pas à une bassesse près, il propose également de vendre des armes aux Japonais. 

10 juillet

  • France : l’ASN, autorité de sûreté nucléaire, exige d’Areva de respecter les délais pour le reconditionnement de déchets stockés à La Hague datant d’avant la mise en route de l’usine et qui ont été stockés dans des conditions qui se sont détériorées depuis.
  • Japon : selon le quotidien Asahi , une bataille de chiffres sur le coût du nucléaire est en cours. Alors que le gouvernement publie des données sur le coût du kWh, les opposants au nucléaire dénoncent l’absence de prise en compte du coût de l’accident de Fukushima dans le prix du kWh nucléaire.
  • Japon : selon le quotidien Asahi , lors d’un colloque dans la préfecture de Chiba, Nirs, l’Institut national des sciences radiologiques reconnaît que le plan mis en place après l’accident de Fukushima n’a pas permis d’éviter la contamination de la thyroïde des enfants par l’iode radioactif.
  • Japon : le réacteur n°3 d’Ohi connaît des difficultés à se maintenir à pleine puissance… du fait de la présence de nombreuses méduses qui bouchent en partie les prises d’eau de mer.
  • Allemagne : début des travaux pour récupérer les déchets nucléaires enterrés dans la mine d’Asse, alors que les fuites se multiplient. 4300 fûts entassés à -750 m, en 1977 et 1978 doivent être récupérés pour être reconditionnés. Les études préliminaires se sont révélées fausses : le sol a bougé, l’eau s’est infiltrée, les gaz radioactifs ont réussi à s’échapper… A prendre en compte avant de continuer le projet de stockage dans la région de Bure.

11 juillet

  • France : Le Figaro titre « la sortie du nucléaire coûtera très cher en déchets ». Selon une étude de l’Andra le démantèlement des réacteurs nucléaires actuels représente neuf fois ce que nous avons déjà en déchets. Le quotidien sous-entend donc que c’est une erreur d’arrêter les réacteurs puisque cela augmente les déchets… en oubliant de dire que poursuivre le fonctionnement des réacteurs ne fera qu’augmenter cette quantité de déchets.
  • Europe : l’Union européenne annonce la levée des restrictions sur l’importation de produits de la mer en provenance du Japon. Les certificats de non-radioactivité ne sont plus obligatoires. La radioactivité n’étant pas moindre, il s’agit d’un nouveau pas vers le déni de la gravité de l’accident.

12 juillet

  • France : le premier ministre Jean-Marc Ayrault réaffirme : « Nous garderons durablement une part d’industrie nucléaire ».
  • Californie : un réacteur de la centrale de San Onofre, près de San Diego, arrêté en janvier dernier après la découverte de fuites radioactives devrait être arrêté définitivement après que les recherches pour identifier l’origine de la fuite aient montré que 3400 tubes des générateurs de vapeur sont fissurés. Les réparations sont trop onéreuses.

14 juillet

  • Japon : lancement d’une pétition par des groupes antinucléaires après l’annonce par le gouvernement d’un accord avec la préfecture d’Osaka pour « brûler » les déchets radioactifs en provenance de la zone contaminée par Fukushima. La pétition rappelle que « brûler » signifie en fait « disperser » car le feu ne détruit pas la radioactivité.

16 juillet

  • Finlande : l’opérateur finlandais TVO annonce que la mise en service du réacteur EPR d’Areva est repoussée après 2014. Le chantier démarré en 2005 devait être fini en 2009. Un temps de construction qui a donc déjà plus que doublé.
  • Japon : entre 100 et 170 000 personnes manifestent de nouveau devant la résidence du premier ministre à Tokyo sous la banderole « Saikado Hantai » (nous sommes contre le redémarrage). Des orateurs donnent des chiffres sur la pollution dans la zone interdite : plus de 100 microsieverts par heure, soit des niveaux de radioactivité supérieurs à ceux enregistrés après les retombées de la bombe de Nagasaki en 1945. Les organisateurs annoncent que la pétition pour l’abandon du nucléaire dépasse 7,8 millions de signatures. Les médias soulignent que l’on atteint des niveaux de mobilisation dépassant ceux des débuts de la lutte antinucléaire dans les années 70… mais avec une grosse différence : l’absence totale de violence aujourd’hui.

17 juillet

  • Japon : après avoir mis en place des barrières dans la ville d’Itate, le gouvernement autorise le retour dans 210 maisons officiellement décontaminées (soit environ 800 personnes sur 6200 habitants)… avec des consignes de « vie » particulièrement drastiques. Il s’agit de la première tentative de retour de familles évacuées depuis l’accident. Rien n’indique que cela soit dans l’intérêt de ces familles prises en otage par des impératifs plus médiatiques que sanitaires.
  • Japon : selon l’hebdomadaire Asahi Shimbun, alors que 1324 résidents de la préfecture de Fukushima ont introduit 20 plaintes pour crimes devant les tribunaux le 11 juin 2012, un mois après le tribunal n’a toujours accepté d’instruire aucune de ses plaintes.
  • Japon : selon une étude du Centre de recherche sur les symptômes de contamination radioactive à Fukushima portant sur 38 000 enfants, 36 % présentent des excroissances anormales au niveau de la thyroïde. En l’absence de données avant l’accident, il est difficile de savoir de combien cela a évolué. 186 enfants ont fait l’objet d’un suivi médical poussé suite à un état de la thyroïde jugé inquiétant.
  • France : Bruno Sido, député et président du conseil général de Haute-Marne, est reconduit dans ses fonctions de président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Bruno Sido est connu pour son forcing forcené pour le nucléaire. Le changement, ce n’est pas dans ce secteur.

18 juillet

  • Japon : Tepco réalise une première opération pour enlever du combustible des piscines accidentées du réacteur n°4, piscines fragilisées. A l’aide d’une grue, deux barres de combustible ont pu être retirées. Cette opération a nécessité la présence en tenue de protection de nombreux salariés dont on ne connaît pas les doses reçues. L’opération a été largement médiatisées sur les télévisions japonaises venues filmer en hélicoptères, semblant montrer que Tepco progresse sur le chantier de la catastrophe… oubliant quand même de préciser que se trouvent dans ces piscines 1300 barres usagées et 200 neuves. Il en reste donc encore 1498 à sortir. L’opération visait selon Tepco a disposer de deux barres pour étudier comment elles ont été érodées par l’eau de mer et programmer comment ensuite évacuer les autres… d’ici un an ou deux.
  • Japon : juste après la démonstration de Tepco, le gouvernement annonce la relance d’un deuxième réacteur : le réacteur n°4 à Ohi.

20 juillet

  • Japon : environ 90 000 personnes manifestent à nouveau à Tokyo devant le siège du premier ministre. Un sondage indique que 80 % des Japonais sont pour l’abandon immédiat de l’énergie nucléaire. Yukio Hatoyama, ancien premier ministre (2009-2010), membre du parti démocrate au pouvoir, a pour la première fois participé à la manifestation.
  • Emirats Arabes unis : les autorités donnent leur feu vert pour le lancement du chantier d’un premier réacteur nucléaire dans le pays.

21 juillet

  • Japon : le quotidien The Asahi Shimbun révèle qu’une dizaine de travailleurs d’un sous-traitant travaillant sur le site de Fukushima ont eu l’ordre de recouvrir leur dosimètre de plaques de plomb pour diminuer les quantités enregistrées. La société en question Build-Up voulait ainsi pouvoir continuer à travailler sur le site. Ces ouvriers sont restés quatre mois sur le site entre décembre 2011 et mars 2012.

23 juillet

  • Japon : The Asahi Shimbun rend compte d’une enquête menée auprès de 222 mères de famille évacuées avec leurs enfants de la région de Fukushima. L’enquête montre que la moitié d’entre elles doivent vivre avec des aides inférieures à 725 euros par mois.
  • Japon : nouveau rapport d’experts critiquant Tepco et le gouvernement qui n’ont pas cru à l’accident et qui ont donc sous-estimé les mesures à prendre. Le rapport insiste sur la fragilité des réacteurs accidentés et les conséquences dramatiques que pourrait provoquer un nouveau séisme.

24 juillet

  • Japon : la pollution s’étend. Selon le gouvernement japonais, des traces de strontium-90 ont été trouvées dans dix nouvelles préfectures du pays. Heureusement, les « experts » annoncent que cela aura peu d’impacts sur la santé, les taux de contamination étant du même ordre que lors du passage du nuage de Tchernobyl en 1986… et inférieurs aux retombées des essais nucléaires atmosphériques des années 1960.
  • Japon : dans L’Alsace , le docteur Michel Fernex rapporte qu’à l’Université de Fukushima la question du nucléaire est quasiment tabou et que seul un professeur essaie de mettre en place un suivi sanitaire des populations, ce qui lui vaut des menaces. Il annonce que les premiers cancers de la thyroïde apparaissent mais que les Japonais n’ont pas exploité les connaissances que l’on a de Tchernobyl, notamment avec la pectine de pomme qui favorise l’élimination du césium. Certains livres russes ont été traduits en japonais mais vendu seulement dans les milieux militants. Il dit que se contenter de mesurer l’exposition externe en confiant des dosimètres aux enfants sans suivi de la contamination interne est criminel.

25 juillet

  • Japon : 500 jours après le début de la catastrophe, Tepco s’inquiète en constatant que le mur ouest de la piscine du réacteur n°4 est en train de fléchir.
  • France : l’ASN donne son feu vert pour que le réacteur n°2 de Bugey fonctionne encore dix ans (donc jusqu’à 40 ans). C’est le troisième réacteur le plus ancien encore en fonctionnement.
  • France : Un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) estime que les exploitants (EDF, CEA…) n’ont pas mis assez d’argent de côté pour financer le démantèlement des réacteurs… Les provisions se montent selon les exploitants pour le moment à 34,7 milliards d’euros. Le rapport demande que cet argent soit bloqué à la Caisse des dépôts.

27 juillet

  • France : Areva communique pour dire que la « parenthèse » Fukushima est oubliée. Preuve en est, Areva pense « recevoir dix nouvelles commandes d’EPR d’ici 2016 ». Rappel utile de l’Observatoire du nucléaire : en 2010, Areva communiquait en annonçant qu’elle pensait vendre bientôt 60 réacteurs… cela fait donc 50 projets à l’eau et les dix autres qui restent virtuels. La parenthèse pourrait bien être un point final.
  • Suisse-France : Le 6 janvier 2012, le chantier du futur site de stockage de déchets nucléaires à la centrale de Bugey est arrêté suite à un recours en justice d’un voisin. Alors qu’un nouveau décret se prépare, EDF se voit ce jour attaqué en justice cette fois par le canton de Genève et la ville de Genève qui contestent l’entreposage de déchets à 70 km de la frontière.

29 juillet

  • Japon : des centaines de groupes antinucléaires ont organisé une chaîne humaine autour du parlement à Tokyo. 200 000 personnes manifestent une nouvelle fois contre la poursuite du nucléaire. Les manifestants ont des hortensias comme symbole et les journaux japonais commencent à parler de « révolution des hortensias » car le pays n’avait pas connu autant de manifestations depuis au moins cinquante ans.
  • Japon : Des groupes écologistes se fédèrent pour lancer Greens Japan et annoncent leur présence aux élections législatives de 2013.