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L’Île-de-France va s’effondrer... et la vie y sera belle

Justine Guitton-Boussion

Science-fiction ou prémonition ? En mars 2019 l’Institut Momentum, think tank spécialisé sur le thème de la décroissance, a présenté une étude sur l’Île-de-France en 2050, à la demande du Forum Vies Mobiles. Avec une consigne : décrire un scénario dans lequel la région (comme le reste de la France) aura subi l’effondrement de notre civilisation industrielle. Imaginez. Il n’y a plus de pétrole, toutes les centrales nucléaires ont fermé et les voitures ont quasiment disparu du paysage. Pas évident à visualiser, mais l’ancien ministre de l’Environnement Yves Cochet, l’écrivaine Agnès Sinaï et l’ingénieur Benoît Thévard s’y sont attelés.
Premier constat de ce futur pas si éloigné : la mobilité a diminué. Alors que le nombre de voitures en Île-de-France s’élève aujourd’hui à 5 millions, elles ne seront plus que 55 000. « Ce n’est plus une flotte privée qui appartient à des individus, mais aux communes, prévoit Agnès Sinaï. Chaque commune a une flotte d’automobiles ou de véhicules utilisés pour des personnes handicapées, âgées, des usages médicaux… ». Les habitant·es seront donc obligé·es de marcher, ou emprunteront des trains, métros, RER… qui seront moins nombreux à circuler chaque jour.
Une autre possibilité viendra s’offrir aux habitant·es : la traction animale. « Alors que moins d’une centaine de chevaux de trait étaient présents en Île-de-France en 2020, 100 000 ânes, mules et chevaux de trait vivent dans la région en 2050, grâce à une réorientation massive des haras, imagine Benoît Thévard. Ils mobilisent le quart des surfaces cultivées pour leur alimentation ! ». Le vélo sera également un moyen de transport privilégié.
Les territoires ruraux accueilleront 700 000 habitant·es supplémentaires. À l’inverse, Paris et sa zone urbanisée verront leur population divisée par deux. À cause du manque d’emploi, du coût de la vie, des températures extrêmes et des risques d’épidémies, les Franciliens préféreront partir s’installer dans des « biorégions », territoires « dont les limites ne sont pas définies par des frontières politiques, mais par des limites géographiques », en prenant en compte leurs rivières, leurs forêts, leur relief, etc. « On connaîtra les milieux dans lesquels on vit, anticipe Agnès Sinaï, on saura où trouver de l’eau, des pommes, des sources. On sera plus autonomes. »
« La moitié de la population — environ trois millions de personnes — participera à une activité agroalimentaire biologique en Île-de-France [de manière professionnelle ou amatrice], qui deviendra autosuffisante », décrit le rapport.
Le secteur des énergies renouvelables sera très actif : éolien, solaire photovoltaïque, solaire thermique, hydraulique, géothermie, etc. Ces « énergies vertes » seront les seules disponibles. La consommation énergétique de l’Île-de-France sera divisée par 2,6, ce qui correspond à l’équivalent de la consommation française par habitant du début des années 1960.
« Le bien-vivre arrivera si on anticipe l’effondrement, estime Agnès Sinaï. Notre rapport décrit un système anticipé par les politiques actuelles. Mais s’il n’est pas anticipé, ce sera peut-être moins civilisé. »
« Ça passe par moins de confort, c’est sûr, poursuit-elle, mais on pourra quand même se retrouver dans des cafés, écouter de la musique, écrire et fabriquer des choses ensemble, faire pousser des choses, se déplacer, faire du spectacle, fabriquer des low-tech, créer de nouveaux savoirs, communiquer avec les animaux… Tout cela n’est pas moyen-âgeux si on a un système politique qui maintient des acquis de démocratie, de pensée. »
Article initialement publié sur Reporterre

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