Quand, dans la deuxième moitié du 20e siècle, une conscience environnementale a commencé à se répandre au sein des populations occidentales, cela faisait déjà près de cinq siècles que les peuples autochtones étaient en lutte – pour leur propre survie et pour celle de leurs terres. Les tentatives d’anéantissement physique et culturel de ces peuples représentent le squelette des conquêtes coloniales. Et, ces tentatives n’ont en réalité jamais cessé, malgré les scènes lissées des institutions internationales qui clament la reconnaissance de leurs droits – telles que le Sommet mondial des peuples autochtones et de la nature de l’UICN en octobre dernier.
Représentant aujourd’hui près de 6 % de la population mondiale, les peuples autochtones regroupent plusieurs milliers de communautés à travers le monde, chacune avec sa langue et son propre héritage culturel. En commun, ils ont l’attachement historique et intime au territoire qu’ils habitent et dont ils dépendent pour leur subsistance. Ce dossier ne prétend pas rendre compte de la grande diversité de ces peuples. Plutôt, il cherche à proposer un espace d’expression où des voix particulièrement marginalisées peuvent se déployer, selon leurs termes, au-delà de la caricaturisation et du tokénisme (1).
Ainsi, ce sont des activistes autochtones d’Argentine, de Guyane dite française, du Kenya et de Colombie (2) qui nous livrent des témoignages d’identités reniées et de territoires volés – tantôt au nom fallacieux de la conservation de la biodiversité, tantôt par soif extractiviste de ressources naturelles. Ce sont des récits de luttes. En acceptant d’opérer ce pas de côté, peut-être pourrons-nous déceler d’autres chemins de pensée et de luttes que ceux que nous avons l’habitude d’emprunter.
(1) Le tokénisme, « inclusion de surface » est une pratique (trop) courante qui consiste à inclure des personnes discriminées pour faire bonne figure, de manière purement symbolique, sans leur donner véritablement de place ou de pouvoir et sans volonté réelle de changements sociaux.
(2) Ce sont là les dénominations actuelles – donc coloniales – de ces territoires.

Illustration : © Keywa Henri
