Si les médias dominants se sont focalisés l’année dernière sur les « émeutes » aux Antilles, ils sont souvent restés silencieux sur les réelles causes des révoltes qui ont soulevé ces îles l’année dernière. Cette colère, liée à la « vie chère » et aux inégalités qui lient les îles à l’Hexagone, prend racine il y a quatre siècles, en 1635, quand la France a commencé à coloniser la Guadeloupe et la Martinique. Tandis que les populations amérindiennes Arawak et Karib ont été progressivement exterminées, l’agro-industrie, elle, a prospéré, grâce aux esclaves et aux plantations. Celles-ci ont constitué un superbe laboratoire pour expérimenter un modèle extractiviste, basé sur des monocultures d’exportation, qu’elle propagera partout dans le monde.
Si la France a aboli l’esclavage en 1848, et que les colonies sont devenues des départements français en 1946 (1), la structure du système colonial n’a pas disparu pour autant. Réalisé par l’Observatoire Terre Monde et l’association Vous n’êtes pas seuls, ce dossier appelle à s’attaquer aux racines du problème : la manière coloniale d’habiter la terre.
Comme le souligne l’autrice martiniquaise Isis Labau Caberia, cette « exploitation extrême de la terre fut consubstantielle à l’exploitation tout aussi extrême du corps des femmes esclavagisées » (2). Et encore aujourd’hui, cette histoire coloniale continue d’affecter particulièrement les femmes, qui sont des victimes invisibles du chlordécone (3). Mais, aux Antilles comme ailleurs, elles sont souvent en première ligne de résistance, notamment dans la lutte contre cet insecticide toxique ou dans la défense de l’agriculture paysanne (4).
(1) Les Antilles françaises comptaient environ 800 000 habitant·es en 2018, d’après Encyclopédie Universalis.
(2) Voir notre entretien « Isis Labeau-Caberia : « Les questions écologiques et féministes constituent le cœur même de l’histoire coloniale » », n° 531, avril 2024 et notre article « Cameroun : face aux violences de Socfin, les femmes résistent ! », n° 540, mars 2025.
(3) Les femmes ont beaucoup de mal à faire reconnaître les maladies professionnelles causées par le chlordécone et très peu d’études ont été réalisées sur les maladies féminines.
(4) Voir notre article « En Martinique, des femmes défendent une paysannerie saine et solidaire »