Le collectif Pour une Sécurité sociale de l’alimentation (SSA) est né en 2019, à l’initiative de l’association Ingénieurs sans frontières AgriSTA. S’inspirant de la Sécurité sociale de 1946 (1), son projet repose sur trois piliers : l’universalité, le conventionnement démocratique et les cotisations sociales. L’idée est de distribuer à chacun·e, quelles que soient ses origines ou la légalité de sa présence sur le territoire, un budget de 150 euros par mois pour son alimentation (2). Ce montant pourrait augmenter de manière à suivre l’inflation. Cet argent serait dépensé dans des lieux de vente ou auprès de producteurs « conventionnés » selon certains critères. Le plus souvent, ces critères favorisent l’achat de nourriture bio ou en tout cas de qualité et plutôt locale. Ce point peut faire débat : pourquoi ne pas laisser les personnes acheter où bon leur semble ? Mais il semble essentiel d’exclure du système la grande distribution, pour éviter que le dispositif se retrouve à servir l’agroindustrie. Des caisses locales d’alimentation, constituées d’habitant·es tiré·es au sort, seraient chargées de définir ces critères démocratiquement.
Un financement par des cotisations sociales
Comme la Sécurité sociale à son origine, ce budget serait financé par des cotisations sociales, c’est-à-dire des parts de revenus socialisés, et non par des impôts (3). Cela permettrait d’éviter la mainmise de l’État et de sortir d’une logique de charité. Le collectif Pour une Sécurité sociale de l’alimentation estime qu’il faudrait environ 120 milliards d’euros par an pour financer un tel dispositif. Plusieurs systèmes de cotisations sont encore en débat. L’association Agri’Sta a estimé qu’une cotisation à un taux de 10 %, prélevées sur les salaires, les revenus des travailleu·ses indépendant·es, les retraites et les allocations chômages, permettrait de financer le projet. D’autres imaginent une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Si la Sécurité sociale était au départ un projet révolutionnaire, elle avait tout de même des écueils que le collectif ne veut pas reproduire. D’abord, elle n’était pas ouverte aux personnes étrangères. Des dispositifs ont été ajoutés ensuite, comme l’aide médicale d’État (AME), mais ils sont stigmatisants, exigent des démarches complexes et sont régulièrement attaqués. Par ailleurs, l’absence de conventionnement sur les médicaments a permis à l’industrie pharmaceutique de faire fortune sur nos cotisations sociales. Elle a pu imposer le bannissement de l’herboristerie, entraînant la quasi disparition des savoirs populaires associés.
Jusqu’à présent, le projet de Sécurité sociale de l’alimentation n’est encore mis en place nulle part en France, puisqu’il nécessite la mise en place de cotisations obligatoires. Cependant, de nombreuses initiatives locales fleurissent un peu partout en France. Certaines font des premiers pas en organisant des marchés à prix différencié ou des épiceries ambulantes et solidaires. D’autres tentent d’expérimenter le conventionnement démocratique à travers une caisse ou une mutuelle de l’alimentation.
Contact : Collectif Pour une Sécurité sociale de l’alimentation, https://securite-sociale-alimentation.org. Voir la carte de France des initiatives et groupes locaux sur ce site.
(1) Voir notre article p. 15.
(2) Ce montant a été choisi car on ne peut pas avoir en France une alimentation équilibrée en dessous d’un budget de 120 euros par mois et par personne, d’après les travaux de la chercheuse Nicole Darmon publiés en 2020.
(3) Les cotisations sociales sont prélevées des revenus et redistribuées à chaque personne, au moment où elle en a besoin, pour préserver ses revenus en cas d’arrêt maladie, de congés maternité, de chômage ou de départ à la retraite, etc. On les distingue des impôts, qui servent au fonctionnement global des administrations de l’État.