L’été dernier, des chercheurs de laboratoires français, canadiens et états-uniens ont publié les résultats de prélèvements qu’ils ont réalisés autour de ces sites d’incinération : dans des échantillons de neige et de sédiments à Umiujaq, sur la baie d’Hudson, au Canada, ainsi qu’à Ittoqqortoormiit, sur la côte Est du Groenland, ils ont détecté des nanomatériaux à des concentrations très supérieures à celles mesurées dans les endroits non exposés aux retombées des cendres.
Une contamination de l’air, l’eau et la terre
Si les teneurs en nanoparticules de cuivre – relativement lourdes – diminuent rapidement à mesure que l’on s’éloigne des sites, en revanche d’autres nanoparticules sont encore présentes à une vingtaine de kilomètres des villages ! Plus on s’éloigne des sites de brûlage des déchets, plus ces particules sont de petite taille, car ces dernières, plus volatiles, peuvent voyager loin.
Certains nanomatériaux proviennent vraisemblablement de peintures ou de plastiques. Ils y sont communément intégrés pour jouer un rôle de pigments, antioxydants, stabilisants, matériaux de remplissage ou retardateurs de flamme . D’autres proviennent de bois traités avec des insecticides, antiparasitaires ou antimicrobiens (2).
L’environnement immédiat des communautés autochtones d’Arctique est ainsi contaminé par la combustion de déchets provenant de produits majoritairement importés de pays industrialisés. Ce n’est pas seulement l’air qui est pollué, mais l’eau issue de la fonte des neiges, ainsi que les sols et donc la nourriture.
Ailleurs dans le monde, d’autres populations n’ont d’autre choix que de recourir au brûlage à l’air libre (ou en tout cas sans filtration adéquate) de produits importés contenant des substances toxiques. Les pays où ils ont été manufacturés disposent souvent, eux, d’incinérateurs plus performants (3). Mais les populations qui n’en sont pas pourvues, à Umiujaq, Ittoqqortoormiit et dans de nombreuses autres régions du monde, sont exposées à leur insu, sans information ni protection. Il est temps de s’en soucier.
(1) Cette pratique ancestrale est aussi un moyen de tenir à distance les animaux sauvages : les ours polaires, en quête de nourriture du fait de la raréfaction des phoques due au réchauffement climatique, se rapprochent en effet de plus en plus des villages.
(2) La combustion de plastiques ou peintures est à l’origine des nanoparticules de titane, chrome, cadmium, baryum, zinc et antimoine, tandis que celle des bois traités est à l’origine des nanoparticules de chrome, cuivre, arsenic.
(3) Sans que cela constitue une garantie d’absence de pollution de ces substances en amont du cycle de vie, lors de la production, de l’utilisation ou de l’usure de ces produits
