Chronique Aménagement du territoire Environnement

A69 : Grève de la « fin »

Stephen Kerckhove

Quarante jours de grève de la faim, 48 heures de grève de la soif, voilà à quoi en sont réduit·es les militant·es écologistes pour se faire entendre d’un pouvoir politique arcbouté sur la défense d’un projet d’autoroute né dans la vapeur toxique des « cinquante gaspilleuses ».

Dans une belle unanimité mêlant vieille gauche productiviste et droite rance climatosceptique, rien ne semble stopper un projet d’autoroute reliant Castres à Toulouse. Pas même son impact sur les écosystèmes, pas même son bilan carbone. Pas même son coût exorbitant pour l’usager, ni même les gains dérisoires de quelques minutes permettant à quelques happy few en Tesla de rejoindre Toulouse pour la modique somme de 17 euros l’aller-retour.

« De dangereux extrémistes, radicalisés de la cause productiviste »

Nous avons affaire à de dangereux extrémistes, radicalisés de la cause productiviste, ânonnant, ad nauseam, des arguments putrides, invoquant des mots magiques comme « désenclavement », « progrès », « vitesse », « croissance », supposés justifier l’injustifiable. Cette petite caste d’élu·es à la légitimité vacillante s’arcboutent ainsi sur la défense de projets climaticides. Capricieux, ces enfants gâtés d’un monde en sursis n’hésitent pas à détruire pour démontrer qu’ils détiennent un pouvoir absolu, ce pouvoir quasi nihiliste qui fleure bon l’hubris. Pour ces élu·es, l’A69 n’est pas un projet d’autoroute mais avant tout le symbole de leur toute-puissance, le refus obstiné de perdre une parcelle de ce pouvoir exclusif.
S’estimant fondés à détruire la nature au nom d’un intérêt général particulièrement discutable, Delga, Beaune (1) et consorts représentent une classe politique pareille à une espèce en voie d’extinction. Acculée, elle est particulièrement dangereuse car elle joue sa survie. Elle se sait, à terme, condamnée, car même si elle use et abuse du monopole de la violence légitime pour imposer ses vue, sa légitimité s’érode jour après jour et la contestation va croissante.
De fait, il leur faut déployer une énergie dantesque pour imposer ce type de projets routiers, aller chercher le soutien de quelques climatosceptiques faisant profession de parlementaires ou président·e de telle ou telle collectivité locale. Leur entêtement dit quelque chose de l’époque, de ce basculement que nous sommes en train de vivre.

« Nous leur faisons peur car nous nous battons pour notre survie »

Du reste, leurs discours et arguments sonnent désormais faux. Les appels au respect de l’état de droit(e) sont autant de vaines litanies creuses, boursouflées et moribondes. Leur droit à détruire butte sur notre désir de vivre. Nos « représentant·es » ont fait sécession à l’instant où ils et elles ne se préoccupent plus de l’avenir. De notre avenir.
L’A69, comme les autres projets inutiles et imposés, cristallise les passions car chacun·e mesure à quel point emprunter les chemins de la transition ne sera pas une promenade de santé. La force de nos seuls arguments sera insuffisante. Il nous faudra déployer une détermination sans faille car notre cause est non seulement juste mais aussi et surtout existentielle. Nous nous battons pour notre survie. Et c’est sans doute la raison pour laquelle nous leur faisons tant peur.

(1) Carole Delga est la présidente de la région Occitanie et Clément Beaune le ministre des Transports.

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