Ceci est d’autant plus scandaleux que cette réglementation est elle-même très loin de reposer sur les standards les plus protecteurs. Sur quoi repose l’infraction ?
Pour mener à bien des analyses normalisées, les laboratoires doivent suivre des protocoles fixant des limites de quantification. Ces protocoles visent à éviter que ces organismes n’utilisent pas la bonne « loupe », au risque d’être frappé de cécité, de ne pas identifier des molécules en faible quantité, et ainsi d’en conclure trop rapidement à l’absence de produits chimiques dans les eaux de surface.
Des analyses de moins en moins précises
Les limites de quantification varient fortement au fil des années et des territoires. Certains laboratoires conduisent des analyses de moins en moins précises d’une année sur l’autre, en augmentant ces limites. Ils laissent ainsi penser de façon erronée que la présence de pesticides et d’antibiotiques tendent à baisser. Agir pour l’Environnement a réanalysé plus de 50 millions d’analyses produites entre 2019 et 2021.
Chaque année, pas moins de 300 000 analyses sont conduites de manière insuffisamment précises, avec des limites de quantification supérieures aux valeurs réglementaires. Cette façon de faire équivaut à mobiliser des forces de l’ordre sur le bord des autoroutes afin de contrôler les vitesses autorisées, avec des radars ne pouvant mesurer les vitesses supérieures à 60 km/h. Il y a fort à parier qu’aucun∙e automobiliste ne sera ce jour-là verbalisé∙e… Ainsi, en 2021, 1 088 analyses de glyphosate (soit près de 5 % des analyses menées) n’étaient pas conformes. Pour certaines molécules comme le mirex (insecticide) ou le captane (fongicide), cela concerne une analyse sur deux !
Ne pas chercher pour ne rien trouver
Le pire, c’est que les labos sont capables de faire des mesures bien plus précises que ce que leur impose la réglementation. À titre d’exemple, certains labos peuvent détecter des molécules de glyphosate à une concentration 15 fois inférieure à celle fixée par la réglementation. Pour le Bispéhnol A, la réglementation impose une limite de quantification de 0,05 µg/L, mais les labos les plus rigoureux identifient des particules de Bisphénol A à une concentration de 0,000 1 µg/L… soit 500 fois plus précisément.
Partant du principe qu’on ne trouve que ce que l’on cherche, il y a fort à parier que certains lobbies s’activent discrètement afin d’éviter une trop grande transparence et jouent sur les protocoles pour aboutir aux résultats qu’ils attendent. Circulez, il n’y a rien à voir, car vos lunettes sont rayées… Le simple fait d’opter pour une myopie institutionnalisée permet de tirer des conclusions erronées, mais rassurantes. Pas vue pas prise ! Il est de la première urgence de revoir et faire appliquer les protocoles d’analyses afin de connaître précisément la teneur des eaux de surface en substances chimiques.