« Ce que nous subissons c’est une violence. On pense souvent à la violence de la police, mais se faire voler ses graines, c’est une autre violence », témoigne Millaray Painemal, co-fondatrice de l’Association nationale des femmes rurales et indigènes (Anamuri) au Chili. « Sans semences, il n’y a pas d’alimentation. C’est la base de la souveraineté alimentaire et de l’autonomie d’une communauté. En tant que femmes indigènes, femmes paysannes partout dans le monde, nous avons ce rôle de gardiennes des graines, de les conserver et de les multiplier. C’est une lutte qui peut sembler un peu invisible, mais qui se joue à tous les niveaux. »
Chili : échanger des graines, créer des liens d’amitié
Au Mapudungun, terre du peuple Mapuche au Chili, les gardiennes des graines maintiennent vivement le lien, notamment à travers les Trafkintu, une pratique ancestrale d’échange de graines à l’échelle des communautés. L’une sollicite l’échange en envoyant un∙e messagèr∙e, le werken, dans la communauté avec laquelle elle désire échanger. Des discussions établissent ensuite quelles semences conviennent d’être partagées afin d’être préservées, et lesquelles il peut être intéressant d’acquérir dans l’idée de développer la diversité semencière des deux communautés.
« Traf, c’est l’échange. Et kintu, cela signifie l’origine. Mais il ne s’agit pas juste d’arriver et d’échanger. Il y a toute une discussion où l’on explique comment prendre soin de la semence. C’est l’idée de confier la graine et de savoir, si jamais un jour on devait perdre la plante, vers quelle personne se tourner pour pouvoir retrouver des graines. C’est la création d’un lien d’amitié et de solidarité. On se met d’accord et on se souvient qu’on peut retourner voir cette personne en cas de besoin. Il y a une idée de réciprocité. »
Sénégal : des bourses aux semences qui relient les luttes
La défense des graines passe également par la rencontre de différents territoires, à l’image des foires d’échanges organisées en Afrique de l’Ouest. Ces rassemblements de plusieurs centaines de personnes venues du monde paysan permettent à la fois d’échanger des graines à grande échelle, de partager des pratiques agroécologiques et de plaider collectivement pour la reconnaissance juridique des systèmes semenciers paysans. C’est aussi là que peuvent naître des prises de conscience et des réseaux durables de lutte.
Le village de Djimini, au Sénégal, organise depuis quinze ans sa bourse semencière paysanne. Elle est décrite comme un cri du cœur contre le « néo-colonialisme par le biais de la semence » ; comme « une profession de foi paysanne sans cesse renouvelée pour une agriculture saine qui respecte l’environnement et la biodiversité ». En plus des échanges s’y tiennent débats, ateliers thématiques et projections autour du rôle des femmes, de l’implication de la jeunesse ou autour de la gestion naturelle de la fertilité des sols, des maladies des plantes et des ravageurs.
Contacts :
Association nationale des femmes rurales et indigènes (ANAMURI) : https://www.anamuri.cl
Mouvement Nous sommes la solution (NSS) : 9, Cité Sonatel 2, Dakar, Sénégal, +221 33 867 59 11, contact@wasafrica.org, https://wasafrica.org.