Livre du mois

Plurivers – Un dictionnaire du post-développement, collectif, et Monocultures de l’esprit, Vandana Shiva

Danièle Garet

La pensée occidentale, ses « valeurs » et ses concepts continuent à se vouloir universels et à imposer des visions du monde uniformisées. Deux livres proposés simultanément par les éditions Wildproject viennent secouer ces prétentions.
Le volumineux « dictionnaire du post-développement » invite à « se joindre à un profond processus de décolonisation intellectuelle, émotionnelle, éthique et spirituelle ». Son apport majeur réside dans la compilation de courts textes présentant des courants de pensée et de pratiques venues des 4 coins de la planète. Nous découvrons ainsi le kawsak sacha des peuples autochtones de la forêt amazonienne, le minobimaatisiiwi des cultures amérindiennes anichinabée, les féminismes du Pacifique, le sentipensar présent en Colombie, le swaraj indien et gandhien, l’ubundu d’Afrique australe, les rapports à l’écologie des grandes religions ou l’autonomie zapatiste. Dans cette vaste « tapisserie des initiatives », des notions plus connues (révolution, monnaies locales ou communs) trouvent leur place. Si ces approches n’emportent pas toutes l’adhésion, toutes captivent par leur pertinence, dans leurs contextes singuliers, par leur appréhension globale de l’ensemble du vivant.
Vandana Shiva, la militante écoféministe indienne, fait partie des 124 aut·rices qui esquissent le « plurivers » du post-développement. Son ouvrage « Monocultures de l’esprit », une compilation de 5 de ses essais, approfondit l’une des facettes de la standardisation mondiale : les monocultures, dans les savoirs et dans les champs. Exemples et données chiffrées à l’appui, elle dénonce le mythe des monocultures agricoles comme garantie de productivité et de protection contre les famines. Elle montre comment le fait de considérer le vivant et la biodiversité comme une simple matière première provient d’un point de vue anthropocentré et raciste qui nie la nature et le travail paysan du « tiers monde ». Derrière les biotechnologies du Nord, c’est l’entreprise de domination qui se poursuit.
Dans un contexte de « there is no alternative » généralisé, voici donc deux livres qui font de la diversité transculturelle un mode majeur de résistance écologique et politique. L’hégémonie de la pensée occidentale nous a acculé au bord du gouffre, il est grand temps d’en essayer d’autres.

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