Dossier Agriculture Environnement OGM

OGM : ces victoires juridiques qui font avancer la cause

Louis-Dominique Auclair

En ce qui concerne les Faucheurs volontaires des Pyrénées-Orientales, avec l’appui du national, bien sûr, l’une des principales victoires contre les OGM que nous ayons remportées est la décision du tribunal de Perpignan après l’audience du 15 octobre 2020. Ce jour là, un faucheur volontaire était jugé pour une action collective du 1er août 2016 consistant à détruire 3, 5 ha de tournesol rendu tolérant à un herbicide par le procédé de la mutagenèse, dans la commune d’Elne. Le jugement a reconnu l’état de nécessité mais également l’atteinte à l’environnement, la pollution des eaux (une réserve naturelle se trouve à proximité des champs) et l’atteinte à l’agriculture biologique. C’était la première fois que l’état de nécessité était reconnu de manière définitive, donc le seul prévenu inculpé a été relaxé.

Une base territoriale forte

Contre la culture de ces tournesols OGM, une stratégie de longue durée a été mise en place grâce aux informations de terrain de personnes convaincues du danger qui n’étaient pas forcément des Faucheurs volontaires. Une assise territoriale a donc permis une rencontre avec le responsable de la société Nidera, à qui nous avons fait part de notre opposition et transmis nos arguments. Par ailleurs, la Confédération paysanne, lors d’une réunion à la chambre d’agriculture, s’est fortement opposée à ce qui était proposé comme une alternative agricole : la production de semences de tournesol OGM tolérantes à un désherbant.
Depuis février 2013 et jusqu’au fauchage du 1er août 2016, les actions importantes mises en œuvre ont été :
– une mini-destruction avec le message « Ni ici ni ailleurs » laissé sur le champ, puis la distribution de 3 000 sachets de semences de tournesol bio à un maximum de personnes sur des stands et dans des marchés, afin de saboter la production de « lignées pures » de tournesol OGM qui ne tolèrent pas l’intrusion de pollens de tournesols « étrangers » ;
– la rencontre de représentants du Conseil général et du Groupement national interprofessionnel des semences et plants (GNIS), qui représente les grandes firmes semencières ;
– une réunion d’information ouverte, avec de nombreu·ses participant·es, dont nos opposants de Nidera et du GNIS ! Leurs arguments habituels étaient l’adaptation au changement climatique, la nécessité d’utiliser les OGM pour produire plus et nourrir la planète, l’innocuité des OGM et des phytocides etc, arguments tous démentis par la réalité.
À la suite de ces actions, la société Syngenta a renoncé à cultiver les tournesols de variété rendues tolérantes à un herbicide (VRTH).

Une reconnaissance européenne

Ces différentes actions, menées pendant trois ans, ont eu de l’importance dans les arguments de notre défense (1).
À partir de juin 2013, au niveau national, l’action des associations de défense de l’environnement contre les VRTH a été déterminante : elles ont obtenu le 25 juillet 2018 une décision de la Cour de justice de l’Union européenne qui confirmait le caractère OGM des VRTH. Cela a entraîné des remous au niveau européen : à ce jour, il n’y a pas de consensus sur la réglementation en vigueur ou à prévoir. Cependant, l’absence de résultat des actions nationales et locales a été un argument de poids pour la reconnaissance de l’état de nécessité (2).

« Cette victoire concerne l’ensemble des lanceu·ses d’alerte »

Depuis la création du mouvement des Faucheurs volontaires, en 2003, c’est la première fois, après de nombreux autres procès, que l’état de nécessité leur est reconnu de manière définitive. L’état de nécessité avait déjà été reconnu en première instance, mais dénié en appel. C’est important car cela concerne tous les lanceurs d’alertes et cela sort de l’habituelle étiquette de destruction de biens en réunion. Cette reconnaissance crée un précédent et peut servir de jurisprudence.
Reconnaître l’état de nécessité, c’est aussi reconnaître la désobéissance civile, qui est le mode d’action des Faucheurs volontaires, une action d’atteinte réelle aux biens, et pas seulement symbolique, mais jamais aux personnes.
Les autres attendus ne sont pas négligeables : l’atteinte à l’environnement, la pollution des eaux et l’atteinte à l’agriculture biologique.
Cette victoire démontre que nous avons pu sensibiliser l’opinion publique et y trouver un soutien contre les multinationales de l’agro-industrie, mais elle a aussi permis de désamorcer, avec l’aide concrète de la Confédération paysanne, un projet prétendument « alternatif » (la production de semences OGM) monté par la FNSEA, majoritaire à la chambre d’agriculture.

Collectif des Faucheurs Volontaires, https://faucheurs-volontaires.fr

Voir aussi le dossier de Silence, « Nouveaux OGM, nouveaux combats », no 456, mai 2017, et l’article d’Isabelle Stengers, « Pourquoi j’ai détruit un champ d’essais », Silence no 308, mars 2004

(1) Il faut insister également sur la participation déterminante de toutes les personnes qui nous ont signalé la présence des champs de semences.
(2) Le Collectif des faucheurs volontaires s’inscrit dans une stratégie de désobéissance civile assumée et non-violente. Ses membres cherchent à faire reconnaître par la justice, lors de procès, qu’ils ont agi en état de nécessité face à la contamination irréversible et non maîtrisée de l’environnement par des semences OGM. L’état de nécessité est défini ainsi par l’ article 122-7 du code pénal : « N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. »

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