Dossier Environnement Libertés

Dissuasion, criminalisation : la répression des luttes environnementales

Gaëlle Ronsin

Depuis quelques années, l’étau répressif se resserre autour de celles et ceux qui agissent pour le climat et la biodiversité. Les moyens mis en œuvre par les pouvoirs publics sont considérables et opaques : procès, lois répressives, criminalisation de la désobéissance civile (par exemple nouveau délit d’introduction sur des pistes aéroportuaires en 2021), condamnation pour associations de malfaiteurs (à la prison, pour des militant·es de Bure contre l’enfouissement des déchets nucléaires), surveillances, mises sur écoute, perquisitions, et renseignements autour des militant·es écologistes et leurs actions. Les actions contre le nucléaire sont particulièrement visées. La répression d’autres luttes environnementales (comme celles menées par XRExtinction Rebellion) est parfois moins forte et vise plutôt à une dissuasion des actions.

Des activistes assassinés

Au moins deux jeunes activistes ont été tués par les gendarmes durant des mobilisations pour protéger des territoires naturels : Vital Michalon à Malville le 31 juillet 1977 dans une manifestation de 60 000 personnes contre la centrale nucléaire Superphénix (Isère) et Rémi Fraisse le 26 octobre 2014 au Testet (Tarn) pour protéger les 40 hectares de forêts et de prairies humides de Sivens de la construction d’un barrage sur la rivière du Tescou. À Malville la violente répression et la mort du militant n’a pas été décisive, malgré de nombreuses marches organisées par la suite. Ce n’est que vingt ans plus tard, en 1997, que Lionel Jospin annonce la fermeture de Superphénix suite à un accord avec les Verts. À Sivens, la mort de Rémi Fraisse participe à faire gagner la mobilisation qui s’organise depuis 2011. Après ce drame, elle se déplace sur le terrain de la lutte contre les violences policières. Ségolène Royal, alors ministre, lance rapidement un processus de consultation des experts et tranche pour le gel des travaux en janvier : « Jamais ils ne construiront un barrage là où il y a eu un mort » rapporte le journaliste Grégoire Souchay, malgré d’autres scénarios envisagés. En 2016 la déclaration d’utilité publique est annulée par le tribunal de Toulouse. 8 décembre 2020, l’État est condamné à indemniser les associations pour préjudice moral : l’État a donné l’autorisation de commencer les travaux malgré les avis négatifs de ses propres services (ONEMA, CNPN, conclusions de l’enquête publique). Même si la Cour de cassation confirme un non-lieu pour le gendarme qui avait lancé la grenade ayant tué Rémi Fraisse, le tribunal administratif de Toulouse a reconnu en 2021 « une responsabilité sans faute de l’État » dans le drame.

Pour aller plus loin
« Écologie : la lutte s’intensifie, la criminalisation aussi », podcast Penser Les Luttes de Radio Parleur, en ligne avec Alexandre Faro, avocat au Barreau de Paris. Spécialiste du droit de l’environnement, il défend Greenpeace, Alternatiba et plusieurs organisations écologistes.
G. Souchay et M. Laimé, Sivens, le barrage de trop, ed Le Seuil, Reporterre, 2015.

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