Chronique Alternatives

Quand la Fanfare climatique exalte en musique le vivant qui se défend

Cécile Grembert

Tout a commencé il y a trois ans, sur les quais de Seine : un petit groupe de musicien·nes, réuni·es par leur besoin de militantisme et de justice climatique, répétait les premiers morceaux de la Fanfare climatique. Depuis, ses effectifs grandissent. 

L’urgence climatique et l’envie de donner à la lutte écologique une dimension musicale constituent les fondements de la Fanfare climatique, née en juin 2019. Non-rattachée à un quelconque parti politique, la Fanfare a en revanche toujours cherché à véhiculer une vision de l’écologie qui ne peut se passer de réflexion politique. Si bien que son action, loin de se limiter à des marches pour le climat, dont la symbolique reste essentielle, cherche aussi à s’ancrer dans les luttes sociales : manifestations pour le droit au logement, rassemblements pour mineur·es isolé·es, etc. 

De l’importance des luttes contre les Grands Travaux Inutiles 

Cette attention portée à la dimension politique se retrouve dans l’organisation même de la Fanfare, qui cultive l’horizontalité et les prises de décision collectives. 
Les évènements où la Fanfare apporte une réelle teinte festive et fait sens sont ceux dédiés aux luttes locales. À ce titre, mentionnons quelques morceaux joués furtivement dans le couloir de l’aéroport de Roissy contre l’extension du Terminal 4, un certain 4 novembre 2020, tandis que des militant·es désobéissaient civilement, bloquant le décollage d’avions sur le tarmac. Ou encore ce premier concert dans les jardins ouvriers d’Aubervilliers, en 2021, pour soutenir le collectif qui tentait de faire abandonner la construction d’un Solarium menaçant l’existence de la parcelle de sécurité alimentaire des habitant·es du quartier. (1) 

Quel répertoire pour mettre en musique la justice climatique 

On pourrait s’attendre à des paroles engagées, à des choix de morceaux réfléchis, et il y a bien sûr un peu de cela dans les discours de l’Inspector Carbone Budget, personnage qui dénonce le greenwashing au beau milieu d’une composition de techno-fanfare. Mais ce sont plutôt le côté festif et l’humour – car tel est le but d’une lutte en musique – ainsi que le caractère éclectique, à l’image de l’identité inclusive revendiquée par ce groupe de musiciens, qui priment. Le répertoire se compose de quelques airs de jazz venus de la Nouvelle Orléans, d’arrangements allant de Michel Legrand jusqu’à Rage Against the Machine, en passant par des musiques contemporaines comme le groupe pop The Do. Sans oublier un certain légume chanté par Nino Ferrer (2), qui se dote d’une grande symbolique lorsqu’il est joué au beau milieu d’une manifestation pour préserver des jardins ouvriers. 
Le but étant de privilégier un répertoire qui, tout en restant musicalement exigeant, se veut accessible à tous types de musicien·nes, novices, amat·rices ou perfectionnistes. Et le public, miroir de cette diversité musicale, se surprend parfois à danser un air de valse se métamorphosant en ska avant de hocher sans transition la tête sur un rythme de métal. C’est avec de larges sourires, parfois en comité réduit mais toujours avec sincérité, que les militant·es témoignent aux musicien·nes de l’importance de mener le combat en musique. 

Au-delà de l’intra-muros 

Fanfare parisienne donc, puisqu’elle se compose d’habitant·es de cette ville et de sa périphérie, et que les répétitions se passent en son sein. Fanfare dévouée certes à des initiatives urbaines et à des luttes en Île-de-France, mais qui n’hésite cependant pas à multiplier les échappées vers des horizons plus lointains. Itinérance à vélo en Bourgogne en passant par la Zad des Lentillières à Dijon, contribution à un chantier participatif au Moulin Bleu (écolieu dans le Loir-et-Cher) : la Fanfare climatique construit son militantisme à travers ses rencontres d’alternatives et de collectifs. Qui sait, peut-être la croiserez-vous prochainement dans un petit coin de France, lors d’un concert dédié à la protection du vivant menacé 

Cécile Grembert

(1) Le 14 mars 2022, le projet de construction du Solarium était abandonné. Mais les militant·es restent méfiant·es, d’autres projets de construction continuent de menacer ces îlots de végétation. 
(2) « Les Cornichons » interprété par Nino Ferrer en 1966. 

Fanfare climatique, https://fanfare-climatique.fr, lafanfareclimatique@protonmail.com. 

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