Chronique Alternatives Enquête d’un autre monde

Elektra : hackeuse, squatteuse et philosophe

Hélène Petit

À Berlin, un beau jour de printemps. Dans une manifestation pour la protection des données sur internet, une femme aux longs cheveux blancs est allongée sur un vélo bardé de panneaux solaires. Sa pancarte contient un boîtier wifi qui permet, en se connectant, de télécharger son livre, appelé Sérénité. Cette femme, c’est Elektra, membre de l’une des organisations de hackers les plus influentes d’Europe : le Chaos Computer Club. « Je fais partie de l’ancienne génération de hackers, celle qui a connu l’électronique avant l’informatique ».

En 2004, elle initie un projet de réseau internet libre et décentralisé basé sur des relais wifi locaux : le Mesh Potato. Ce sont des boitiers qui se connectent les uns aux autres pour créer un réseau. En Occident, le développement des connexions internet rend l’utilité marginale, mais les pays dits « du Sud » peinent à obtenir des services à des coûts abordables. L’engouement est immédiat. Elektra est invitée autour du globe pour présenter sa technologie et former à son utilisation. Un premier réseau se met en place en Afrique du Sud.

Habiter léger au coeur de la ville

Elektra vit dans un Wagenplatz en plein coeur de Berlin. Un Wagenplatz, c’est une parcelle non bétonnée où sont installés de multiples habitats légers. Dans celui où elle habite, on trouve une « boite à dons », des repas à prix libre, des projections de films, etc. Bien qu’elle habite en ville, ce mode de vie lui permet de se sentir en lien avec les éléments, la flore, les saisons. Elle est actrice de son environnement, répare elle-même son camion, produit sa propre électricité, etc. Être confrontée à cet environnement rustique, elle ne le considère pas comme une contrainte, mais au contraire comme un lien avec l’essentiel et, en même temps, un symbole de sa liberté.
Quand elle n’agit pas dans le monde numérique ou ne s’investit pas dans la vie locale, elle aime partager un message qui lui tient à cœur : sa philosophie de vie… la sérénité.

Trouver son chemin vers la sérenité

Le principe est relativement simple : il s’agit d’être soi-même. Mais pour y parvenir, il faut prendre conscience que nous nous manipulons nous-même. Nos proches, notre entourage social, les médias : tout cela regroupé tend à nous imposer une manière de vivre, d’être, d’agir. Inconsciemment, nous nous adaptons à ce que l’on attend de nous. Nous ne nous rendons pas compte que cette voix que nous avons dans la tête n’est pas notre propre pensée, mais une pensée que nous nous imposons. Selon Elektra, se libérer de ces manipulations inconscientes procure un état de sérénité.
La sérénité est un mot que l’on retrouve dans de nombreuses philosophies depuis la nuit des temps : des religions animistes au bouddhisme jusqu’au spiritualités actuelles. Elektra présente son message avec les mots qui lui sont propres, en supprimant toute notion de religieux. « Si tout le monde adoptait ce comportement, cessait d’écouter cette voix que nous avons dans la tête, le monde serait bien plus beau, bien plus simple ». 
Hélène Petit

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