Chronique Nord-Sud Solidarités sans frontières

Les entreprises européennes appelées à la vigilance

Maelys Orellana

Le 23 février 2022, la Commission européenne a publié une proposition de directive imposant aux entreprises un « devoir de vigilance » sur le respect des droits humains et de l’environnement. Le texte, annoncé en avril 2020, était très attendu et fera l’objet d’intenses négociations cette année entre le Parlement et le Conseil de l’Union. Il s’inspire de la première loi du genre, adoptée en France en mars 2017, pour contraindre les entreprises européennes à évaluer l’impact de leurs activités et prévenir ou réduire les atteintes à l’environnement et aux droits humains. Sera-t-il à la hauteur des enjeux ?

Le risque : créer une formalité de plus

Depuis plus d’un an, les grandes entreprises axent leur communication sur les difficultés de connaître et maîtriser les conditions de travail et de production dans l’ensemble de leurs "chaînes de valeur"… tout en défendant une forme d’auto-contrôle, à travers des chartes éthiques !
Elles s’attachent surtout à décrire leurs futures obligations comme un "fardeau administratif" et tâchent d’en réduire la portée à cette seule dimension : adoption d’un "code éthique", insertion de clauses de pure forme dans leurs contrats avec des fournisseurs, etc.

Une chance à saisir

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La future directive, une fois amendée par le Parlement et le Conseil de l’Union européenne, imposera à chaque État-membre un "socle commun" de mesures pour engager les grandes entreprises à assumer leurs responsabilités sociales et environnementales. Elle pourrait ainsi contraindre la France à améliorer la loi existante en la faisant appliquer à davantage d’entreprises et notamment celles du prêt-à-porter qui ne sont pour l’instant pas concernées.
Ce "socle commun" contient une disposition très importante : la possibilité pour les victimes d’un dommage (pollution des sols, travail forcé, etc.) d’engager la responsabilité civile de l’entreprise donneuse d’ordre et d’obtenir des indemnités. Tout l’enjeu reste bien sûr de s’assurer que la directive et les lois qui en découleront ne s’arrêtent pas aux fournisseurs directs de l’entreprise, mais aussi à leurs propres fournisseurs et sous-traitants !
D’autre part, l’obligation de publier, tous les ans, un état de leurs "plans de vigilance" permettrait de réduire l’opacité qui règne à dessein dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Les syndicats et les associations pourraient ainsi, plus facilement, coordonner leurs actions.
Dans une lettre ouverte à la Commission européenne, la directrice du Bangladesh Center for Workers Solidarity écrivait en juillet dernier : "S’il vous plaît, n’oubliez pas les victimes du Rana Plaza et ne nous oubliez pas, nous qui avons dû creuser dans les décombres d’une usine effondrée pour trouver quelles marques devraient être appelées à rendre des comptes. Les règles que vous allez introduire devraient inclure une transparence obligatoire de la chaîne de valeur."
Maelys Orellana

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