Chronique Alternatives Enquête d’un autre monde

La Bergerie des Malassis

Hélène Petit

« C’est possible qu’il y ait un mec qui se balade avec un petit troupeau de chèvres dans les rues de Bagnolet ou de Paris. J’aime me dire que si ça c’est possible, ça rend d’autres choses possibles. En fait, ici, tout serait possible. », rêve Gilles, le berger de Bagnolet.

Des chèvres à quelques minutes de Paris, ça interpelle. D’autant plus quand elles se baladent avec un chevrier qui les amène pâturer dans différents espaces du quartier. Elles suivent avec attention leur humain quand celui-ci court à travers un carrefour ou passe sur un passage piéton. Régulièrement, il s’arrête et laisse les animaux manger tranquillement tout ce qui leur passe devant les yeux. À l’improviste, les gens du quartier le rencontrent, discutent, et la présence des animaux délie les langues. On caresse les chèvres, on parle de souvenirs, du quartier.

Un square transformé en bergerie

Quand elles ne sont pas en balade, les chèvres sont à la Bergerie de Malassis, un ancien square de jeux pour enfants occupé depuis près de 10 ans par l’association Sors de Terre. Les activités varient en fonction du contexte et des envies. Le cœur, c’est de créer, construire et jardiner avec les enfants du quartier, le plus souvent dans le cadre d’ateliers avec les écoles, collèges, centres médico-éducatifs ou sociaux. Les membres s’occupent aussi de l’entretien de différents espaces verts avec une conscience écologique et sociale. Le square est aussi un lieu où vit la culture du quartier, un lieu où les habitant·es se rencontrent, se retrouvent, où il y a des concerts, des spectacles et de nombreuses soirées improvisées autour du feu.
Au fur et à mesure des années, la bergerie est devenu un lieu vivant et habité, qui ouvre sur d’autres réalités que celles auxquelles nous sommes habitués, qui rend possibles d’autres imaginaires. C’est aussi un lieu qui interroge, qui bouscule, dont les valeurs cassent les codes et les concepts flous proposés par les politiques publiques. Les membres aiment déconstruire des termes tels que « agriculture urbaine », « participatif » ou « création de lien social » afin de les remplir de « quelque chose qui émane du terrain ».

Quel avenir ?

La bergerie est un élément perturbateur pour celles et ceux qui aiment que tout soit bien réglé. D’autant plus que le square est un terrain municipal, occupé sans autorisation. Il n’existe aujourd’hui que grâce au soutien des habitant·es qui luttent pour garder cet espace de liberté au sein du quartier. Après des années de discussions et de luttes avec de multiples rebondissements, il est fort probable que la terre et les arbres protégés par la bergerie soient coulés sous le béton à l’été 2022. Tant que rien n’est fait, il reste de l’espoir, car depuis toujours, c’est l’énergie de ses soutiens qui lui permet d’exister et de casser les normes, pour le bien-être des habitant·es du quartier.

Hélène Petit

Pour en savoir plus : ouialafermeecoledebagnolet.fr
Bergerie des Malassis, 9 Rue Raymond Lefebvre, 93170 Bagnolet

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