Comme je dispose chez moi d’électricité issue du photovoltaïque et d’Enercoop, je me suis récemment interrogé sur l’intérêt (écologique d’abord, financier ensuite) d’acheter ou de louer une voiture électrique. J’ai donc entrepris de faire une étude détaillée sur la question.
Et je suis arrivé aux conclusions « provisoires » suivantes. Provisoires, car elles sont fondées sur des données qui vont forcément évoluer dans les temps à venir, mais en tout cas valables pour le moment, et qui expliquent ma décision finale (résolument négative…).
Le coût énergétique et donc écologique reste considérable
On sait que la « simple » fabrication d’une voiture (qui est un processus industriel très lourd et complexe) utilise à peu près l’équivalent des 3/4 de l’énergie que celle-ci consommera au cours de son existence (c’est ce qu’on appelle « l’énergie grise »). De ce fait, le remplacement d’une voiture par une autre n’est pas un acte « neutre » pour la biosphère. Donc, l’économie énergétique qu’on pourrait en espérer n’est pas nécessairement au rendez-vous : il y a de toute façon un « coût » écologique global, dont il faut tenir compte – sauf bien entendu si la voiture remplacée était de toute façon en fin de vie et devait très rapidement finir à la casse, ou encore si elle continue son existence dans d’autres mains (mais alors, attention à « l’effet rebond » : car c’est encore une voiture de plus, ce qui n’arrange rien).
À noter aussi que pour comparer vraiment les modèles entre eux, il faudrait ramener tous les chiffres à une même unité – par exemple le mégawattheure, ou la tonne équivalent pétrole, ou la tonne de gaz à effet de serre. Par contre, il est inutile de chercher à comparer des coûts financiers, car un tel indicateur est toujours faussé par des décisions politiques et/ou commerciales : promotions, subventions à l’achat ou au carburant, etc. Donc, se méfier des affirmations dans ce domaine : elles sont forcément biaisées.
Une autonomie très limitée
En l’état actuel des choses, quoi qu’en disent les vendeu·ses (et sauf le cas particulier de Tesla), l’autonomie réelle des voitures électriques, en usage normal, est assez limitée. Il faut donc avoir bien identifié ce qu’on veut en faire, si on ne veut pas se retrouver avec un outil inadapté à l’usage auquel on le destinait. Bien sûr, le poids et le coût des batteries (encore très importants, pour une capacité et une durée de vie relativement limitées) vont certainement continuer à s’améliorer. Mais pour le moment il n’y a en vue ni miracle, ni même percée technologique majeure. Donc, si on envisage des trajets dépassant 250 à 300 km, mieux vaut éviter la grande majorité des voitures électriques.
Il faut savoir aussi qu’actuellement, « faire le plein » d’une voiture électrique n’est pas forcément chose simple, ni même toujours plus économique qu’avec les carburants classiques : il s’avère en fait que la seule bonne solution est d’avoir son propre chargeur dans le garage où la voiture passe ses nuits entre deux utilisations. Sinon, c’est galère ! En effet et pour le moment (et sauf encore Tesla), tous les autres modèles ont plus d’inconvénients que d’avantages (rareté des bornes de recharge, trop fréquente non-compatibilité des raccords électriques, complexité des formules de paiement, etc.). Mais ne me faites surtout pas dire que Tesla sauvera le monde ! Ce sont des voitures luxueuses, lourdes et coûteuses, et c’est pourquoi j’avais d’emblée exclu cette marque de mes perspectives...
Du côté des hybrides… ce n’est pas mieux
J’ai donc ensuite examiné le cas des formules dites « hybrides » (pour lesquelles ne se pose pas le problème de l’autonomie). Mais il faut commencer par rappeler qu’une seule mérite vraiment cette appellation : celle qui possède un moteur thermique de puissance suffisante utilisant un carburant « classique », doublé d’un moteur électrique également suffisant en puissance et en capacité de la batterie (autonomie). Les autres combinaisons ne sont guère plus que des trompe-l’oeil, dont le supplément de coût n’est pas vraiment justifié par les performances écologiques.
Mais la double motorisation évoquée ci-dessus est forcément coûteuse : en volume et en poids (donc en consommation, matières premières et énergie de fabrication, entretien, pneus, pollution, etc), et en prix de vente ! En outre, il faut avoir bien identifié ce qu’on veut en faire : car il est tout à fait déraisonnable (gaspilleur, donc coûteux) de rouler d’abord en « électrique », puis de faire recharger la batterie de traction en roulant avec le moteur classique. En effet il y a encore un double problème de coût : écologique et financier – ce qui est l’exact contraire de mon objectif.
Enfin, il faut savoir que le marché de la voiture électrique est en pleine évolution, et sans doute pour encore pas mal de temps. Ce qui signifie qu’une voiture électrique verra sa valeur chuter assez rapidement sur le marché de l’occasion : si on n’envisage pas d’user sa voiture jusqu’à la corde, le raisonnement d’achat doit prendre en compte ce réel risque de perte au moment du remplacement.
Une priorité : diminuer les usages de la voiture
Pour moi, donc, la conclusion est évidente : il est urgent d’attendre ! En attendant et de toute façon, ce qui est le plus important n’est pas de changer de voiture, mais d’en dimi-nuer le plus possible l’usage – et aussi de le « rentabiliser » le mieux possible : covoiturage tout d’abord, prêt ou location entre usag·ères, et mieux encore en créant de petits « collectifs » d’utilisat·rices d’un mini-parc de voitures différentes, capables de rendre service au plus grand nombre d’adhérent·es. Mais c’est une question qui n’est pas technique : elle dépend exclusivement de notre bonne volonté !
Louis Pinsard
Octobre 2021
Et le vélo électrique ?
Notons au passage que l’énergie grise d’un vélo électrique est 100 fois plus faible que celle d’une voiture électrique et la consommation au kilomètre, 80 fois moindre, pour une autonomie qui atteint au moins entre 50 km (en étant chargé à bloc et en montée) et 80 km (sur le plat). Alors que la plupart des déplacements en voiture font moins de 50 km. Mais pour que le vélo électrique remplace la voiture, il faut encore avoir des voies de circulation sécurisée (qui manquent en ville, mais encore plus à la campagne) et des modèles adaptés à tous les âges, tous les handicaps, tous les usages (donc la même diversité que la voiture), ce qui vient peu à peu.
Le nucléaire en embuscade
En France, la généralisation de la voiture électrique entraînerait une forte croissance de la consommation d’électricité, qui ne pourrait être couverte à elle seule par les renouvelables : un argument de poids utilisé par l’industrie nucléaire pour se maintenir et se justifier…
