Entre 2009 et 2019, dans l’Union européenne, les émissions de gaz à effet de serre provenant du secteur aérien ont augmenté de 29 %. Suite à une forte baisse due à la pandémie de Covid 19 depuis 2020, le secteur de l’aviation estime que le trafic aérien devrait revenir au niveau de 2019 à partir de 2024 et espère le faire doubler d’ici 2037. Son objectif est simple : faire en sorte que l’on utilise autant l’avion qu’aux États-Unis. Mais à la différence de ce pays, l’Europe dispose d’un réseau ferré qui peut venir concurrencer l’avion. Pour le moment, le train n’est la solution que pour 7 % des voyages en Europe. Cela pourrait changer pour peu que le monde politique veuille bien s’emparer réellement de la question du changement climatique.
Les 1 % qui polluent
Les gens qui prennent l’avion ne représentent qu’environ 1 % de la population mondiale ! Ces 1 % habitent principalement aux États-Unis, en Europe et dans quelques autres pays (Japon, Corée du Sud, etc.). La moitié de la pollution (51,9%) provient de seulement 6,2 % des vols : les vols très longs courriers (plus de 4000 km). Les vols longs courriers (entre 1500 et 4000 km, 19,6 % des vols) émettent 23,2 % des gaz à effet de serre. Les vols à moyenne distance (500 à 1500 km) représentent 43,6 % des vols et 20,6 % des émissions. Les vols courts (moins de 500 km) représentent en Europe 30,6 % des vols et émettent 4,3 % des émissions de gaz à effet de serre. Ce qui fait toujours 4,3 % de trop. Le train peut remplacer au moins les vols courts, voire les vols à moyenne distance. Le rapport de Greenpeace s’est penché sur les vols de moins de 1500 km… soit 25 % des émissions de gaz à effet de serre. Pour les 75 % restant, les solutions ne passent plus par le train, mais par un changement d’attitude sur notre mobilité. L’étude prend en considération l’Union européenne, la Suisse, la Grande-Bretagne et la Norvège.
L’étude de Greenpeace identifie 150 vols au sein de l’Union européenne pour lesquels il existe une alternative ferroviaire d’une durée de moins de 6 h. Cela représente 151,5 millions de passagers. Parmi ces vols, il y a les vols intérieurs de la France dont nous avons déjà parlé, mais aussi des lignes très fréquentées comme Paris-Amsterdam ou Paris-Francfort.
Les lignes les plus fréquentées en Europe (plus d’un million de personnes par an) sont dans l’ordre Paris-Toulouse, Paris-Nice, Athènes-Thessalonique, Madrid-Barcelone, Francfort-Berlin et Munich-Berlin.
À ces 151,5 millions de personnes, il faut ajouter 72 millions de personnes qui ont pris l’avion entre un pays de l’Union européenne et la Grande-Bretagne, la Suisse et la Norvège, portant à 250 le nombre de destinations avec une alternative à moins de 6 h de train.
En 2021, 41 destinations sur 150 disposent d’une liaison directe en train. 51 destinations sur 250 disposent d’une liaison directe par un train de nuit.
L’étude estime que les émissions de gaz à effet de serre par passager sont divisées par 9 à 13 fois en privilégiant le train par rapport à l’avion. Toutefois selon le type de liaison ferroviaire, les rapports de proportion ne sont pas exactement les mêmes. (1)
La suppression de certains trains de nuit à des conséquences néfastes sur le temps de trajet. Ainsi pour aller de Paris à Porto au Portugal, il fallait auparavant, avec un train de nuit, 19 heures… après la suppression du train de nuit, il faut maintenant 34 heures.
La France a un rôle particulier car de très nombreux trains de nuit (entre le nord de l’Europe et la péninsule ibérique ou entre la Grande-Bretagne et le sud-est de l’Europe) passent ou passaient par la France.
Même si quelques lignes de nuit sont réouvertes depuis trois ans (Paris-Nice, Paris-Tarbes, Paris-Vienne, Stockholm-Berlin, Vienne-Amsterdam, Vienne-Bruxelles, Munich-Amsterdam, Londres-Stockholm), les restrictions sanitaires provoquées par le Covid-19 ont freiné l’intérêt pour les voyages longs et donc pour ces trains sur de grandes distances.
Que fait l’Union européenne ?
Des débats se tiennent depuis des années au niveau de l’Union européenne pour essayer de réduire le trafic aérien et supprimer les vols les plus courts. Mais pour le moment, les mesures prises sont insuffisantes. La suppression de l’exonération de taxe sur le kérosène a été adoptée… mais ne sera appliquée qu’en 2033 ! Et cette mesure prévoit le maintien de l’exonération pour les vols de fret. Cette taxe a été fixée à 38 centimes par litre de carburant, soit moins que le taux moyen de taxation du diesel et de l’essence utilisés par les automobilistes. Cette taxe ne concernera pas les vols entre l’Union européenne et le reste du monde.
Que pourrait faire l’Union européenne ?
Greenpeace suggère dans son rapport les mesures suivantes :
* Interdire les vols quand une alternative par train existe sur une durée de moins de 6 h.
* Redévelopper les trains de nuit, la nuit étant une période où les lignes de chemins de fer existantes sont sous-utilisées. Ces lignes internationales pour la plupart, devraient avoir un statut de service public, être subventionnées pour permettre l’accès aux personnes à faibles revenus, à mobilité réduite, aux cyclistes, etc.
* Soutenir une meilleure fréquence des trains pour avoir un choix suffisant. Il y a actuellement des liaisons qui existent avec un seul train par jour (Paris-Francfort, Berlin-Varsovie)
* Développer des fonds pour l’entretien du réseau ferré et pas seulement pour les voies rapides automobiles.
* Rendre le train moins cher que l’avion en supprimant progressivement les subventions au transport aérien, en levant les exonérations de taxes sur le kérosène et la TVA (les vols internationaux ne paient pas la TVA actuellement), en introduisant des tarifs sociaux, etc.
* Mettre en place une billetterie unique dans toute l’Union européenne.
* Mettre en place une reconversion des travailleurs du secteur aérien, de préférence dans le rail, comme cela se fait déjà en Suisse.
MB
Le rapport complet est disponible (en anglais) : https://www.greenpeace.org/international/campaign/get-on-track/
(1) La différence entre cette proportion de 9 à 13 fois moins d’émissions de gaz à effet de serre par passager évaluée par l’étude de Greenpeace sur les trajets européens, et la proportion de 14 à 40 fois moins évaluée par le RAC pour les trajets internes à la France métropolitaine, est liées au fait que plus les trajets sont longs, plus la différence entre train et avion diminue, car l’avion consomme surtout pour monter en altitude au départ.
