Dossier Transports

Les lignes intérieures hors métropole

Michel Bernard

Tant que nous restons en métropole, l’alternative du train pour remplacer l’avion est une solution réaliste. Mais qu’en est-il des îles et territoires lointains français ?

Pour chacun des territoires hors métropole, il y a deux grands flux de trajets : les liaisons familiales et le tourisme.

L’île de beauté

La Corse est l’une des destinations les plus prisées par le tourisme français. Alors que la Corse n’a que 340 000 habitant·es (moins que Toulouse), elle dispose de quatre aéroports. Voici le nombre cumulé de passag·ères dans les deux sens (avec Paris, Marseille, Nantes, Nice, Lyon, Bordeaux, Lille etc.) pour chaque aéroport (1) :
* Ajaccio : 1 618 723 14 956 vols
* Bastia : 1 559 492 16 343 vols
* Figari : 748 652 9 682 vols
* Calvi : 336 514 5 048 vols
Soit au total 4 283 381 personnes (2,4 % du trafic national) et 46 029 vols (2).
Est-il envisageable d’aller en Corse sans prendre l’avion ? Prenons l’exemple d’un voyage entre Paris et Porto Vecchio. Un vol de Paris à Figari, l’aéroport pour la Corse du Sud, dure 1h50. En ajoutant les temps de transfert, de contrôle, d’enregistrement des bagages on arrive à environ 4h. L’alternative est de prendre un TGV Paris-Marseille en début d’après-midi (départ 15h09, arrivée à Marseille 18h11), puis un bateau (départ 18h30, arrivée 8h). Temps de trajet : 17 h dont une nuit dans le bateau. C’est encore faisable.
Est-ce qu’il y aurait suffisamment de place disponibles dans les trains ? Probablement pas car l’axe Paris-Marseille est déjà fort encombré (3). Et pour les navires ? Il faudrait une volonté politique forte conduisant à la mise en place de nouvelles rotations, ce qui n’est pas impossible : la seule contrainte de place serait celle des ports.

Les Dom-Tom

Le fait d’avoir colonisé des territoires forts éloignés a un coût important en termes d’émissions de gaz à effet de serre car le maintien du lien avec les Dom-Tom nécessite une armada d’avions.
Voici le nombre de passages par destination :
* Martinique (Fort-de-France) : 1 264 206 (Paris), 5023 (Nantes)
* Guadeloupe (Pointe-à-Pitre) : 1 496 185 (Paris)
* La Réunion (Saint-Denis) : 1 370 514 (Paris) 77 679 (Marseille) 11 715 (Lyon)
* Mayotte (Dzaoudzi) : 100 465 (Paris)
* Guyane (Cayenne) : 350 588 (Paris)
* Polynésie française (Papeete) : 169 256 (aucun vol direct depuis la métropole)
* Nouvelle-Calédonie (Nouméa) : 565 901 (aucun vol direct depuis la métropole)
Total : 4 853 836 en hausse de 4 % en 2019. 14 698 avions.
A ceci s’ajoute les liaisons entre aéroports d’Outre-Mer. La plus fréquentée est Fort-de-France Pointe-à-Pitre (385 660), puis Bora-Bora-Papeete (221 884), Lifou-Nouméa (173 618), Dzaoudzi-Saint-Denis-de-la-Réunion (167 593)… Pour un total de 2 484 721.

Il n’existe plus aucune liaison maritime pour les passagers à l’exception de quelques places sur les cargos (4). Et les temps de transports (au départ de la métropole) par ces cargos sont totalement dissuasifs : 10 à 12 jours pour la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, 20 à 23 jours pour La Réunion et Mayotte, 42 à 45 jours pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie Française.
Les temps de transports en avion dépassent rarement la journée. Là, pour remplacer l’avion, il faudrait une révolution ! On pourrait diminuer le nombre de vols par exemple en interdisant des aller-retour trop proches (ce qui éviterait le tourisme à la semaine).
Et une indépendance politique de ces territoires ne changerait pas forcément beaucoup les choses car les familles sont aujourd’hui éclatées de chaque côté des océans.

MB

(1) Source : Ministère de la Transition écologique, « Statistiques du trafic aérien » comme ;le reste des chiffres de cet article.
(2) Soit 14,8 % du total des vols métropolitains (il y a beaucoup de petits avions).
(3) Actuellement, les TGV Paris-Marseille transportent 1 558 924 personnes. Et le cumul de quatre aéroports corses donne 1 443 723 personnes… La moitié des passag·ères pour la Corse partent de Paris et une part (Nord, Alsace, Nord-Ouest...) passeraient par la vallée du Rhône, donc la grande majorité voyagerait sur la ligne Lyon-Marseille.
(4) Les places sur les cargos sont limitées à 12 par navire pour ne pas devoir changer d’un statut de fret à un statut de transport de voyageurs. Le coût dépasse 100 € la journée.

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