Le 17 janvier, l’opération Tempête du désert est déclenchée en Irak. La France participe à hauteur de 19 000 militaires. Ceci malgré les plus grandes manifestations pacifistes de l’histoire du pays.
Silence appelle à l’objection à la guerre, à l’insoumission et à la désertion
Dans le n°138, de février, nous expliquons notre opposition à la guerre (constat d’échec), la volonté des États-Unis de contrôler le marché du pétrole et de s’affirmer comme leader après la chute du bloc de l’Est. Nous appelons à la désobéissance avec sur la couverture : Contre la guerre, objection, insoumission, désertion. Si on y regarde de près, il y a écrit aussi des lignes en petit et si on lit bien tout, cela donne : « Contre la guerre, objection, la loi (article 129 du code du service national) nous interdit d’appeler à l’insoumission et à la désertion. » Cela fait rire les gens du Canard Enchaîné qui publient une photo de la couverture.
Controverse autour d’un article de Jean Brière
Dans chaque numéro, nous demandons à une personne de parler de la guerre du Golfe selon son approche personnelle. Jean Brière, médecin lyonnais, alors responsable des relations internationales chez les Verts, est sollicité pour faire une analyse du rapport entre Israël et cette guerre. Le 6 avril, il profite d’une réunion nationale des Verts à Paris pour y montrer un brouillon d’article. Maryse Arditi, en désaccord avec le texte, décide de le transmettre aux médias. Le texte qui dénonce le « lobby sioniste » (pour l’extension de l’État d’Israël) est alors largement diffusé dans les grands médias et accusé d’être « antisémite ». Une tempête médiatique s’abat sur les Verts et sur Jean Brière pendant plusieurs mois. Alain Lipietz prend sa défense et dénonce, entre autres dans Silence, l’exploitation d’un texte qui n’est pas terminé et qui, précisément, a été présenté pour discussion. Alors que les Verts nationaux suspendent l’adhésion de Jean Brière au nom des statuts qui condamnent le racisme, les Verts-Rhône font remarquer que c’est Jean Brière qui a rédigé ce paragraphe des statuts. Des associations portent plainte contre Jean Brière. Silence décide de passer le texte corrigé dans le numéro de juin. Silence ne sera pas attaqué et Jean Brière, plusieurs années plus tard, va gagner ses procès : les tribunaux estimeront qu’on ne peut juger un brouillon et que l’on ne peut s’en tenir qu’au texte publié dans Silence, lequel n’a rien de répréhensible. Mais trop tard, les « réalistes » ont trouvé le moyen d’écarter un des « fondamentalistes » des Verts.
Des hors-série en série
En mars, Silence publie un hors-série sur les énergies renouvelables en collaboration avec le CLER, Comité de liaison énergies renouvelables. Dans le n°139 de mars, la revue publie déjà des articles pour critiquer l’inefficacité des conférences internationales sur le climat.
Le n°143-144, de l’été 1991, présente un dossier de 25 pages sur les métiers de l’écologie… dont le succès lance l’idée d’en faire un hors-série. Le n°145, de septembre, amorce un virage : pour la première fois, il y a une photo couleur en couverture. C’est aussi le retour au papier recyclé après une parenthèse de près de deux ans.
Michel Bernard
Jean Brière est décédé le 18 janvier 2022, à l’âge de 88 ans. Radiologue, fils d’ouvriers, il adhère en 1956 au Parti communiste avec lequel il participe à des actions contre la guerre d’Algérie. Il en est exclu en 1962. Dans les années 1960, il pratique des avortements clandestins en lien avec le MLAC, Mouvement de libération pour l’avortement et la contraception.
Il milite au sein du MDPL, Mouvement pour le désarmement, la paix et la liberté. À partir de 1974, il participe au MERA, Mouvement écologique Rhône-Alpes. En 1982, il aide au lancement de Silence en mettant à sa disposition une estafette entièrement repeinte pour faire une publicité pour la revue. En 1984, il fait partie des membres fondateurs des Verts. Il en est longtemps l’un des porte parole nationaux, chargé des affaires internationales. En 1984, il signe un dossier dans Silence sur la question démographique (n°54). De 1984 à 1997, il est très actif dans la lutte contre Superphénix.
En 1987, il est l’un des trois candidats à la primaire au sein des Verts, aux côtés d’Yves Cochet et Antoine Waechter. En 1991 il publie un article controversé dans Silence (voir chronique ci-contre).
Après la création du MEI, Mouvement écologiste indépendant, en 1994, il en devient vice-président chargé des relations internationales. En 2001, il crée le mouvement Démographie et écologie. Il milite à Attac et est membre du CA du groupe du Rhône.
Michel Bernard
