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Mon petit village

Stephen Kerckhove

J’ai une chance inouïe. Je vis dans un petit village encore à peu près préservé dans un département rural. Département dont les atouts sont nombreux pour résister aux secousses climatiques et écologiques qui s’annoncent. À l’heure où la pandémie nous rappelle l’extrême fragilité de nos sociétés urbanisées et hyperconnectées, il est plus que probable que nous assistions dans les mois et années qui viennent à une moindre attractivité des grandes villes asphyxiées et agglomérations en surchauffe.

Ce qui fait l’attrait de cette France aux mille et un visages, c’est évidemment une qualité de vie incomparable, des paysages variés, une vitalité sociale et ces petits coups de main qui font qu’un∙e voisin∙e n’est jamais une abstraction.
Comme tout∙e contribuable, je suis un électeur potentiel qu’un président de conseil général ne saurait négliger. À ce titre, je suis le destinataire du magazine du département. Le dernier numéro de ce magazine met en une, une magnifique illustration… de tractopelle saccageant un petit bout de territoire comme il en existe de milliers en France. En 2022, le président d’un département rural n’a toujours pas compris que l’attractivité d’un territoire ne passait plus par le nombre de kilomètres de routes et d’hectares artificialisés.

Vieilles recettes d’un monde en délitement

Le bruit des bagnoles et la fureur des camions vont être le lot commun des habitant∙es de ce territoire, supposé∙es s’ébaudir à la vue de cette magnifique illustration du progrès. Ce petit garçon qui préside au destin d’un département continue à jouer à la grue, mais cette fois-ci, la conséquence sur la vie des gens est bien réelle et durable ! Pour attirer les investisseurs, fluidifier le trafic et stimuler la croissance locale, la recette magique qui n’a jamais véritablement fonctionné est néanmoins appliquée avec la précision d’un métronome vieillissant. Construire des routes, doubler celles qui existent et repasser les vitesses autorisées à 90 km/h… Vieilles recettes d’un monde en délitement.
Alors que plus personne ne conteste frontalement le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité, les vrais destructeurs sont encore aux commandes. Pire, ils diffusent, chaque jour qui passe, un imaginaire qui fleure bon la naphtaline et les trente glorieuses. À coup de millions d’euros, ils détruisent en faisant passer leur forfaiture pour un signe de progrès.

Agir pour empêcher la destruction de l’environnement

Faute de réactions, ils poursuivent inlassablement leur funeste politique. Il ne nous reste que peu de temps pour agir et pourtant, nous les laissons faire. À des degrés divers, nous avons fini par intérioriser notre échec. Nous manifestons, nous pétitionnons, nous protestons, mais trop rarement nous parvenons à empêcher réellement un destructiviste de perpétrer un crime contre l’environnement. Face aux bulldozers, nous n’avons pas seulement une obligation de moyens, mais de résultats. Que cette année 2022 déjà entamée nous ouvre les yeux et nous conduise à stopper réellement cette course vers l’abime.
Stéphen Kerckhove

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