Chronique Féminismes L’Écho féministe

Les Menstrueuses : s’emparer des menstruations, changer les règles

Lorraine Gehl

Les jeudi 9 et vendredi 10 décembre 2021, les chercheuses Marion Coville, Stéphanie Tabois et Héloïse Prévost ont organisé à Poitiers un événement entièrement dédié aux menstruations. Leur place dans la société, leur histoire, ou la prise en charge de la santé gynécologique dans le monde médical – autant de sujets abordés pour donner à voir une multiplicité de perspectives sur l’expérience des règles, des « ourses » ou des « lunes ». On comptait des professionnel·les de santé, des associations, des anthropologues, sociologues et historien·nes, mobilisé·es pour une journée de discussions à l’Espace Mendès France.

Un festival-colloque féministe

L’originalité de cet événement s’est aussi manifestée dans l’organisation d’ateliers de création collective. Ketty Steward par exemple a animé des ateliers de science-fiction féministe. L’objectif de ces derniers était de reprendre des extraits célèbres et d’y injecter des problématiques liées aux menstruations. Chaque participant·e se voyait attribuer une « contrainte » au hasard – dans mon cas : « Le héros a oublié de se racheter des protections hygiéniques » – et inventait une suite au récit. Tout était permis, y compris réinventer l’identité du héros. L’atelier s’est terminé par une lecture à voix haute des textes et des retours de l’autrice.

Perspectives féministes et écologistes

Une table ronde sur la réappropriation des règles a clôturé la première journée, à laquelle j’ai participé aux côtés de Marion Coville et de l’auteur et chercheur en design, Saul Pandelakis. À partir de mes recherches dédiées aux luttes féministes et écologistes, j’ai donné des exemples sur ce que la notion clé de « reclaim » (se réapproprier, revendiquer) pouvait apporter au traitement des règles. J’ai évoqué l’auto-gynécologie, centrée sur la réappropriation des savoirs sur son corps, et des collectifs tels que GynéPunk. Né en Espagne, ce groupe de « sorcières cyborg », comme ils et elles se définissent, partage des techniques pour fabriquer soi-même des kits de gynécologie d’urgence (notamment un incubateur avec une boîte de Pétri) et lutter ainsi contre la précarité menstruelle. Le collectif dénonce également l’histoire violente de la gynécologie, née d’expériences menées par des médecins blancs sur des personnes racisées, et propose de renommer les organes génitaux qui portent encore leurs noms aujourd’hui.

Ces deux jours ont ouvert un horizon de possibilités pour sortir définitivement du tabou des menstruations – et une deuxième édition se prépare d’ailleurs pour continuer de les explorer !

Lorraine Gehl

Pour aller plus loin :

Edgar-Rosa Clarence, 2016, « Pour une gynécologie do it yourself », https://usbeketrica.com.

Coville Marion, 2018, « Rendre visible le corps et ses douleurs : les technologies de l’endométriose. Journal d’un diagnostic », https://femtech.hypotheses.org

Silence existe grâce à vous !

Cet article a été initialement publié dans la revue papier. C'est grâce à vos abonnements et à la vente de la revue que nous pouvons continuer à proposer des alternatives à la société consumériste et destructrice actuelle. Sans publicité, sous forme associative, notre indépendance et notre pérennité dépendent de votre engagement humain et financier !

S'abonner Faire un don Participer

Disponibilité