Article Alternatives Climat

Faire avancer le désinvestissement climatique

Pascal Hugo

La campagne de désinvestissement pour le climat est méconnue en France. C’est pourtant un levier important pour freiner la destruction de la planète et transformer les imaginaires, estime Pascal Hugo, membre des « Grands-Parents pour le climat ».

Il y a une dizaine d’années, des étudiant·es étasunien·nes ont réalisé que leur université était pleine de contradictions. Elle leur donnait la meilleure formation possible pour leur assurer un bon avenir, mais pendant ce temps elle cherchait la meilleure rentabilité pour ses capitaux. En plaçant ainsi ses actifs dans le charbon ou le gaz de schiste, elle contribuait à détruire leur avenir. Ils et elles ont donc demandé de désinvestir, pour réinvestir dans l’économie durable. Puis les étudiant·es ont fait pression, et cela dans la durée (sit-in…), jusqu’à obtenir gain de cause. Cette initiative a fait tache d’huile dans d’autres universités. Devant l’originalité et la pertinence de ces actions, l’association de défense du climat 350.org a lancé ce mouvement à l’international, tous secteurs confondus (Fossil Free). (1)

Un mouvement encore méconnu en France

Lors de la COP 21 en 2015 déjà, de nombreuses structures s’étaient engagé·es dans le désinvestissement. Ce mouvement s’était répandu surtout dans le monde anglophone, ainsi que dans le nord de l’Europe. C’est à ce moment que La Revue Durable, revue suisse pour la transition, a publié un dossier (no55) (2) exposant le mouvement du désinvestissement. Depuis, des progrès ont été faits en Suisse (caisse de pension de la Ville de Lausanne par exemple), mais beaucoup moins en France.
Il est vraiment dommage qu’en France on ne se saisisse pas de ce levier pour contribuer à changer la situation. Il s’agit d’un type d’action à la portée de chacun·e : demandes argumentées, pétitions, marches, sit-in ne sont pas des motifs de garde à vue, et encore moins de procès. D’autre part, le désinvestissement peut concerner tous les secteurs de la société (collectivités territoriales, entreprises, congrégations religieuses, assurances, fonds de pension, etc.). Il peut viser des structures nationales, régionales ou locales. Il parait judicieux au départ de cibler les structures qui contiennent un peu d’éthique dans leur ADN.

Prioriser l’avenir par rapport à l’argent

La valeur symbolique de ce type d’action est très forte. Le désinvestissement appelle à un changement de l’échelle des valeurs : prioriser l’avenir par rapport à l’argent. C’est l’antithèse même de notre société capitaliste financiarisée. Si les actions menées dans ce domaine diminuent un peu les émissions de gaz à effet de serre (en cas de réussite), elles contribuent surtout à décoloniser les imaginaires. Et c’est bien le grand enjeu pour changer de cap.
Exemple : un appel au désinvestissement dans l’Église catholique a été lancé par le pape, en tant qu’impératif moral pour les catholiques (3). Il fallait se saisir de cette opportunité. C’est ce qu’a fait Grands-Parents pour le Climat — France (4), en publiant une lettre ouverte adressée à la fois à la Conférence des évêques, et à chaque évêque. Elle leur demande d’annoncer leur entrée en désinvestissement.
Dans d’autres pays, les jeunes nous montrent la voie en appelant le fonds de pension de leur ville à désinvestir. Les argumentaires, la réflexion sur le désinvestissement sont bien avancés. Il ne reste plus qu’à passer à l’action.

Pascal Hugo

(1) Voir https://350.org et https://gofossilfree.org. Voir aussi Reclaim finances, 75 rue Manin, 75019 Paris, https://reclaimfinance.org.
(2) Voir l’onglet « La revue durable » sur le site https://artisansdelatransition.org.
(3) Voir sur https://laudatosiweek.org la rubrique « Désinvestissement : l’impératif moral des catholiques ».
(4) Grands-parents pour le climat - France est une association née en 2015. Elle s’engage pour mobiliser la génération des grands-parents par la promotion des écogestes, de l’épargne écologique, de l’éducation des plus jeunes, de l’interpellation des acteurs politiques, économiques et financiers. Grands-Parents pour le Climat France, 21 boulevard du Sud-Est, 92000 Nanterre, http://grandsparentsclimatfrance.fr.

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