Chronique Nord-Sud

Françafrique : « Il est fini le temps des colonies ! »

Guillaume Gamblin, Valérie Cabanne

Le 8 octobre 2021 à Montpellier se tenait le Sommet Afrique-France qui se voulait selon la communication de l’Élysée le prélude à une « refondation » des relations entre la France et ses anciennes colonies…

Une opération de communication 

La preuve : pas de chef∙fes d’État invité∙es, mais des représentant·es de la société civile et de la jeunesse. Une opération de nettoyage de l’image néocoloniale qu’entretiennent les sales pratiques de la France sur le continent, à coups d’opérations militaires et de soutien aux dictatures en place… Les échanges ont fait l’impasse sur un certain nombre de thèmes cruciaux, dénonce l’organisation Survie qui lutte contre la Françafrique : face « à l’interpellation sur le militarisme français, le président s’est à nouveau caché derrière la ‘demande’ des chefs d’État africains (dont cette fameuse ‘jeunesse africaine’ voudrait pourtant se débarrasser !), sans évoquer la coopération militaire qui bénéficie à leurs appareils répressifs. La question sur le scandale des politiques anti-migratoires a été balayée, au nom de la ‘complexité’ du sujet ». La demande d’un pardon pour les crimes coloniaux et néocoloniaux est écartée au nom d’une politique de ‘reconnaissance’« , etc. Cerise sur le gâteau de l’hypocrisie élyséenne,  »la création d’un ‘Fonds d’innovation pour la démocratie en Afrique’ est annoncée, en contradiction totale avec le soutien effectif à des dictatures comme le Tchad, le Cameroun ou le Congo-Brazzaville. Il sera doté de 10 millions d’euros par an, une bagatelle au regard du milliard de coût annuel lié aux opérations militaires extérieures françaises« . Il s’agissait de relégitimer la politique africaine de la France, dans la suite des précédentes »pseudo-ruptures" avec la Françafrique annoncées par les présidents Sarkozy puis Hollande. 

Un contre-sommet offensif

Au même moment, le contre-sommet organisé par un collectif d’organisations de la société civile à Montpellier constituait un événement national. Il comptait de nombreuses organisations dont des collectifs de sans-papiers et la marche des solidarités qui sont venues le rejoindre le 9 octobre pour une belle manifestation festive et colorée d’environ 1000 personnes. L’événement, qui durait du 6 au 9 octobre, et était hébergé par le lieu associatif La Carmagnole, a accueilli de nombreuses conférences autour du franc CFA, de la présence militaire française en Afrique, des « dérives de l’aide française au développement, entre business et corruption », du panafricanisme, de la pensée décoloniale, des violences policières sur les migrant·es, de « la Méditerranée militarisée », etc., ou encore une « balade décoloniale » dans la ville. 
Ce contre-sommet a été lourdement entaché par l’arrestation de huit jeunes sans-papiers. Six d’entre eux sont ressortis après 2 heures de garde à vue, mais avec une OQTF (Obligation de quitter le territoire français) et deux autres ont été incarcérés au Centre de rétention administrative (CRA) de Nîmes. Mais grâce à la forte mobilisation qui a suivi et à l’avocate qui a plaidé, ils sont sortis après cinq jours de détention. À l’heure où ce numéro est bouclé, un nouvel appel est en train d’être signé par les différentes organisations pour demander la levée des OQTF et IRTF (Interdiction de retour sur le territoire français). La preuve s’il en faut du lien profond entre la politique françafricaine de la France, la militarisation des frontières et le contexte liberticide intérieur à la métropole. 
Valérie Cabanne et Guillaume Gamblin

Survie, 21ter rue Voltaire, 75011 Paris, tél. : 09 53 14 49 74, https://survie.org


Montpellier
La Carmagnolle

Un lieu au cœur de la ville, qui accueille un rassemblement public du collectif des « Mutilés pour l’exemple », victimes des violences policières ; une conférence sur l’expérience de Barcelona en Comu ; une rencontre entre des Paysans sans terre du Brésil et des Gilets Jaunes, assure des distributions alimentaires pendant le confinement ; projette le film S’hab la Zup issu d’un quartier populaire, etc. C’est La Carmagnolle, un espace qui se veut coopératif, alternatif et solidaire. Le lieu fait également office de bar associatif, activité importante pour la convivialité comme pour l’autofinancement. Enfin, un don de 5€ par mois permet d’être coopérat·rice de La Carmagnolle, en apportant les ressources nécessaires à sa vie et en participant à toutes les décisions à part égale avec les autres coopérat·rices. La Carmagnolle, 10 rue Haguenot à Montpellier, https://lacarmagnole.fr.  

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