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Flamme olympique, flemme politique

Stephen Kerckhove

Entre le tour de France et les Jeux olympiques, l’arrivée de Lionel Messi et l’avenir de Kylian Mbappé, notre temps de cerveau disponible est mis à rude épreuve. Cette religion du sport spectacle banalise la vacuité d’une émotion intense mais bien vite oubliée, tout en érigeant un patriotisme de pacotille, faisant fi des nombreux messages implicites.

Ce sport spectacle fonde son attrait sur la capacité de surhommes à dépasser les limites, moyennant des salaires eux aussi hors-normes. La beauté du sport se résume ainsi à la devise olympique « plus vite, plus haut, plus fort », le tout sponsorisé par les plus grands pollueurs de la planète.
Certains arguent du fait que ces grandes messes mondialisées font rêver et entretiennent l’espoir, via un esprit « olympique », de concorde universelle.
En dehors de l’indécence des salaires versés pour jouer sur des pelouses synthétiques, ne devons-nous pas interroger le sens caché de cette course à l’exploit, cette pulsion proprement « humaine » à ne jamais se satisfaire de sa situation ? À l’heure où chacun·e peut constater les effets dévastateurs de cette armée de démiurges prêts à tout pour gagner la compétition ostentatoire, les Jeux olympiques incarnent à merveille la force qui est désormais une faiblesse de la communauté humaine.
Aller toujours plus vite... dans le mur
Face aux crises climatiques, à l’effondrement des écosystèmes, à la marée de plastique qui menace de nous engloutir, à la réification de nos vies et l’instrumentalisation publicitaire de nos envies, nous devons changer de paradigme. Au « plus vite », nous devons réenchanter le temps perdu, au « plus loin », nous pouvons renoncer à cette fuite permanente pour embrasser ce qui est proche.
D’autant que les limites planétaires atteintes, nous n’aurons d’autre choix que de redécouvrir les vertus de la sobriété. La seule question qui vaille est de savoir si elle sera choisie ou subie. Ce bouleversement anthropologique n’est de fait pas négociable.
Un·e sporti·ve pourra toujours courir plus vite, sauter plus haut ou plus loin. Avec de l’entrainement, de nouvelles chaussures et quelques amphétamines, un·e sporti·ve pourra toujours espérer. Battre un record, être le ou la première sur la ligne d’arrivée vous autorise à atteindre les sommets de l’Olympe. Il est en autrement avec notre planète. L’irréversibilité est la contrepartie de notre fuite en avant. Une fois le climat déréglé, nous aurons beau avoir battu un nouveau record en matière d’émissions de gaz à effet de serre, notre médaille du meilleur destructiviste ne nous sera d’aucune aide pour survivre au milieu des canicules, des incendies et des tornades.
En 2024, Paris accueillera les Jeux olympiques. Par fierté mal placée, nous allons progressivement être invité·es à nous esbaudir devant ce qui n’est qu’une ode à l’homo-destructiviste. Et pendant que l’agenda médiatique sera saturé par de petits bonshommes courant dans un stade, pendant que notre maison brûle, nous continuerons à regarder cette flamme olympique… Flamme olympique, flemme politique.
Stéphen Kerckhove

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