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Face à la montée des eaux, s’adapter plutôt que bétonner

Héloïse Leussier

Et si, au lieu de protéger nos côtes avec des digues en béton, nous laissions la mer entrer et composions avec l’environnement ?

Dans la baie de Lancieux (Bretagne) par exemple, plutôt que de réparer une digue ébréchée, on va préparer le territoire à l’arrivée d’eau de mer dans des polders agricoles (1). Il faudra déplacer des activités d’élevage, des routes et des infrastructures. La zone reconnectée à la mer devrait évoluer petit à petit en prés salés. « Les prés salés sont des habitats d’une grande richesse écologique, devenus rares sur le littoral français : ils captent du carbone, servent de refuge et nourrissent les poissons, en contribuant à améliorer la qualité de l’eau, souligne Anne Martinet, du Conservatoire du littoral. Ils permettent aussi d’atténuer l’énergie des vagues et donc de protéger les enjeux situés en arrière. »

« Faire entrer la mer dans un territoire peut faire peur »

Sur la Côte d’Albâtre en Normandie, les petites communes de Quiberville, Sainte-Marguerite-sur-Mer et Longueil, traversées par le fleuve de la Saâne, font l’objet d’un projet assez unique en France. Il y est prévu une « renaturation complète de la basse vallée et une réouverture volontaire d’un site à la mer », explique Régis Leymarie, délégué adjoint Normandie au Conservatoire du littoral. Le camping municipal de la plage de Quiberville, sur deux hectares en bordure de mer, est exposé à des risques de submersion et d’érosion.
D’ici 2024, les infrastructures du camping seront démolies et une nouvelle aire d’accueil pour vacancièr·es sera construite un peu plus haut dans le bourg. Des travaux permettront au fleuve, qui s’évacue aujourd’hui via une buse passant sous une route, de s’écouler dans un espace plus large. Un pont-cadre dans lequel la mer pourra s’engouffrer sera construit. « Cela créera des zones de contact entre l’eau douce et l’eau de mer, des zones saumâtres, et permettra de reconstituer des frayères pour les poissons, des zones de nourricerie pour les oiseaux et une explosion de biodiversité, avec des gradients de salinité qui n’existent pas entre l’estuaire de la Seine et la baie de Somme », se réjouit Régis Leymarie.
Ce projet atténuera les risques d’inondation. « Cette ouverture permettra d’augmenter le débit d’évacuation du fleuve à marée basse. Dans l’autre sens, le pont-cadre est calibré pour empêcher l’eau de mer d’inonder la vallée », explique le fonctionnaire, tout en rappelant que « le risque zéro n’existe pas ». Selon lui, ce projet reçoit « plutôt l’adhésion » des 2 500 habitant·es des communes concernées, même si des craintes se font sentir. Au-delà des usagers du camping, les agricult·rices qui font pâturer leurs vaches sur les terrains du Conservatoire vont aussi devoir se déplacer, puisque la salinisation des terres ne permettra plus de poursuivre cette activité.
« Faire entrer la mer dans un territoire peut faire peur, mais nous travaillons sur le long terme depuis 2016 », dit-il.

Héloïse Leussier

(1) Un polder est une étendue artificielle de terre gagnée sur l’eau, le plus souvent dont le niveau est inférieur à celui de la mer, à partir de marais, estuaires, lacs ou des zones littorales.

Article initialement paru sur le site www.reporterre.net

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