Dans les années 1960, la banane antillaise prend son essor et avec elle, l’usage des pesticides, dont le chlordécone utilisé contre un charançon. Problème : dès le début, on sait que ce produit chimique est toxique, qu’il perdure longtemps et se retrouve dans l’alimentation. Bien qu’interdit depuis les années 1990, il est aujourd’hui présent dans le sang de la presque totalité de la population en Martinique et en Guadeloupe. L’autrice, Jessica Oublié, présente ici sous forme de BD, une vaste enquête pour comprendre le choix de cet insecticide, les négligences de l’État concernant le contrôle de son interdiction, les conséquences agricoles et sur la biodiversité, les mesures mises en place pour s’en débarrasser et intègre les réflexions dans le contexte post-colonial d’aujourd’hui. Autant vous le dire, cela ne se lit pas comme un roman : il faut du temps pour prendre conscience de l’importance du scandale (non sans parallèle avec le glyphosate en métropole). Mais c’est plus qu’instructif. L’histoire n’est pas finie : la dépollution ne fait que commencer et les Antillais·es ont besoin de relais pour que l’État ne se contente pas, comme jusqu’à maintenant, de mettre en place des « plans chlordécone » qui n’ont pas l’efficacité souhaitée par manque de budget.
Éd. Steinkis, 2020, 240 p., 22 €