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Service national universel : de l’engagement à l’embrigadement

Patrice Bouveret

Le SNU, le service national universel, n’est pas un gadget glissé par le candidat Macron en mal de programme à destination de la jeunesse et destiné ensuite à tomber dans les oubliettes de l’histoire du quinquennat.

Bien que rejeté par nombre d’associations — dont Silence — regroupées au sein d’un collectif anti-SNU sur le plan national comme local, sa mise en place se poursuit et s’ancre dans une réforme globale de l’encadrement de la jeunesse. Ce n’est pas un simple ersatz du service militaire d’antan, comme il est trop souvent présenté. L’objectif de cette réforme : « développer une vision complète de l’enfant, de l’adolescent et du jeune au cours de leurs différents temps de vie ainsi que de promouvoir une société de l’engagement dont le service national universel (SNU) sera, aux côtés du service civique notamment, un vecteur majeur », peut-on lire sur le site du ministère de l’Éducation nationale.
Mais la jeunesse n’a pas attendu le SNU pour s’engager, que ce soit contre le changement climatique, en faveur de la justice sociale ou de l’égalité des chances. C’est peut-être bien cela qui inquiète le pouvoir qui préfèrerait susciter des « vocations » en direction de l’armée, de la police ou de permettre au secteur social de disposer d’une main-d’œuvre sous-payée…

Une « culture de l’engagement »… sous uniforme

Pour rappel, le SNU se décompose en deux temps : un séjour dit de cohésion, et une mission d’intérêt général, et repose pour le moment sur le volontariat. L’Injep (Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire) a publié récemment les résultats de son enquête portant sur la mission d’intérêt général, qui permet de disposer de quelques données sur cette « culture de l’engagement » conçue comme un « service rendu à la nation ».
Du fait de la pandémie, tou·tes les participant·es au premier séjour de cohésion n’ont pas encore effectué leur mission d’intérêt général. Toutefois les premiers résultats montrent que se sont bien les « corps en uniforme » qui ont attiré le plus de candidat·es : l’armée (24 %), la police et la gendarmerie (11 %), puis les pompiers (9 %), soit 44 % au total. Ensuite on trouve les clubs sportifs (9%) et le reste dans divers organismes, établissements de santé, dans les communes ou régions et autres associations variées. De même, interrogés sur l’après-SNU, sur les 22 % ayant exprimé le souhait de poursuivre leur engagement, l’orientation affichée par ces jeunes était principalement au sein des « corps en uniforme ».
Comme le SNU repose actuellement uniquement sur le volontariat cela fausse les résultats et entraîne une surreprésentation des jeunes intéressé·es pour s’engager dans l’armée, la police ou la gendarmerie. D’ailleurs, les candidat·es pour le deuxième contingent, élargi à 20 000 jeunes, ne semblent pas se bousculer.
Qu’en sera-t-il lorsque le SNU sera rendu obligatoire à l’ensemble des jeunes de 16 ans à l’horizon 2022-2023 ? C’est vrai qu’entre temps il y aura eu une élection présidentielle qui peut venir chambouler ce projet.
Patrice Bouveret
Observatoire des armements (www.obsarm.org)

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