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Balance ton sucre #BEEtoo !

Stephen Kerckhove

Loin des belles promesses en matière de lutte pour la sauvegarde des insectes pollinisateurs, le gouvernement a réautorisé la culture de betteraves traitées aux néonicotinoïdes.

Sous couvert de lutte contre l’attaque d’un puceron vert vecteur de la jaunisse de la betterave, le lobby agrochimique a obtenu le grand retour de deux des insecticides les plus toxiques jamais utilisés en agriculture, l’imidaclopride et le thiaméthoxame, respectivement commercialisés par Bayer et Syngenta. En moins de 30 ans, les trois quarts des insectes ont disparu. Principalement à cause de l’épandage de pesticides, des effets de la monoculture et de l’arrachage des haies.
Pour colorer cette décision d’un vernis de légitimité scientifique, ministres et parlementaires se sont appuyé·es sur des données qui prêteraient à sourire si nous ne faisions pas face à un écocide irréversible. L’hiver 2020/2021 allait être chaud, le réservoir de virus potentiellement pathogènes pour la betterave justifierait la décision du gouvernement, le rapport de l’Agence de sécurité sanitaire et environnementale (ANSES) serait rassurant quant aux effets des insecticides « tueurs d’abeilles ». L’hiver fut pourtant rigoureux et neigeux notamment sur l’aire géographique ensemencée en betteraves, et les analyses sérologiques sur lesquelles le gouvernement s’appuie ont été effectuées sur les parcelles les plus infectées, en oubliant soigneusement les zones peu touchées par la jaunisse. Enfin, le rapport de l’ANSES multiplie les approximations en oubliant soigneusement d’étudier les effets de néonicotinoïdes sur les poissons, les chauves-souris, la plupart des oiseaux, les batraciens, les vers de terre, les champignons du sol, etc. Mis à part ces quelques « oublis », les néonicotinoïdes sont sans risque…

Des mesures d’atténuation qui ne changent rien

Pour faire bonne figure et tenter d’organiser leur irresponsabilité, les ministres de l’Agriculture et de la Transition écologique ont annoncé vouloir mettre en œuvre des mesures d’atténuation visant à « limiter » les risques pour les écosystèmes, notamment pour limiter le semis des plantes attractives pour les insectes pollinisateurs l’année suivant la culture de betteraves. Cette mesure est avant tout un aveu de la persistance des néonicotinoïdes dans le sol bien après leur utilisation. Elles sont décrites dans l’arrêté du 5 février 2021 réautorisant les néonicotinoïdes.
Par exemple, toute personne utilisant des semences de betteraves enrobées aux néonicotinoïdes devra s’engager, si elle souhaite semer du maïs l’année suivante, à réserver 18 rangs de betteraves sans néonicotinoïdes sur le pourtour des parcelles traitées. Elle devra également semer, « à une distance adaptée, des semences mellifères à raison de 2 % des surfaces implantées de semences de betteraves traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiaméthoxame ».
En résumé, l’abeille, pour ne pas s’intoxiquer, devra veiller à ne pas aller sur le 19e rang de betteraves traitées, et surtout, sera sommée d’aller butiner ailleurs, par exemple sur ces 2 % de surfaces mellifères situées à une « distance adaptée ». Dans la vraie vie, ces mesures d’atténuation n’auront aucun impact réel, raison pour laquelle nombre d’associations ont décidé d’attaquer cette décision devant le Conseil d’État.
Face à ce jusqu’au-boutisme de l’agrochimie, Agir pour l’Environnement a également décidé d’interpeller l’industrie agroalimentaire afin qu’elle s’engage à renoncer à utiliser du sucre issu de betteraves traitées aux néonicotinoïdes. À l’occasion des fêtes de Pâques, nous pouvons toutes et tous agir pour éviter un printemps silencieux.
Balance ton sucre #BEEtoo

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