Chronique Climat

Du Maghreb à la France, des sécheresses et des alternatives

Christian David

L’évolution du climat se traduit notamment par la remontée des températures vers le nord. Ainsi, sur le pourtour méditerranéen, avec 16 à 16,5 degrés de moyenne sur la période 1991-2020 à Perpignan, à Marseille et à Nice, cette région n’est plus qu’à un degré environ des températures moyennes sur la période 1961-1990 dans des villes côtières… de l’Algérie (comme Alger) 

Avec autant de pluies mais plus de chaleur, les sols s’assèchent

Le changement climatique n’a pas que des avantages sur la végétation, loin s’en faut. Il a d’ores et déjà amplifié l’évaporation des sols et aussi celle de la végétation, ce qu’on regroupe sous le terme d’évapotranspiration. 
En région lyonnaise, où le cumul des précipitations n’a pas varié au cours de périodes de trente ans successives du 20e et début 21e siècle, on assiste à une tendance à l’assèchement des sols depuis au moins le début du 21e siècle, notamment les étés, et parfois l’automne. Il tombe, en moyenne, autant de précipitations, certes, mais, une fois dans le sol, l’eau s’évapore davantage depuis quelques décennies. Les jardini·ères s’en rendent compte au moment des corvées d’arrosage ! Les étés ou les débuts d’automne 2003, 2015, 2018 et 2020, les sols de la région Rhône-Alpes ont été parfois aussi secs que dans le Var ou les Bouches-du Rhône. 

Transformer les pratiques agricoles

Alors que faire dans un tel contexte ? Une partie de la réponse à cette vaste question se trouve… dans l’agriculture ! Les pratiques évoluent dans de nombreux jardins, et même dans certains champs, où on couvre les sols par du paillage, de l’herbe coupée, des broyats, qui surmontent parfois une couche de compost. « Un binage vaut deux arrosages », dit un dicton célèbre, mais « un binage suivi d’un compostage puis d’un paillage vaut quatre arrosages ». C’est évidemment plus difficile d’étendre ces techniques à l’agriculture, mais c’est une piste à explorer, et pas seulement pour résister aux sécheresses. 

Inventer des pratiques autonomes de permaculture pour faire face aux sécheresses

Nous connaissons peu ici les expériences de permaculture comme celles menées à Brachoua, près de Rabat, au Maroc. Cette commune de 12 000 habitant·es a retrouvé son autonomie alimentaire grâce à la permaculture et au paillage du sol. Mais aussi et surtout, en associant au maximum les habitant·es à ce projet, en favorisant les rencontres dans les jardins. Des réalisations comme celles de Brachoua séduisent également le sud du Maroc, pourtant plus aride comme la vallée du Dadès. 
Les jardini·ères en Algérie pratiquent également la permaculture et offrent des formations, avec l’association Torba, dont les membres s’intéressent également aux semences paysannes (celles qui peuvent s’échanger gratuitement ou à bas coût, sans passer par les hybrides ou les OGM brevetés des firmes semencières transnationales).Torba organise des formations à l’agroécologie et au compostage urbain, des visites de fermes, et lance une ferme agroécologique à Douera. Elle a organisé les premières rencontres d’échanges de semences paysannes entre paysan·nes issu·es de 12 régions d’Algérie en octobre 2020. 
La Caravane des alternatives, toujours au Maroc, menée par l’association Gandhi International pour relier Dakar à Genève dans le cadre de la mobilisation Jai Jagat en 2020, est passée dans les jardins de Zineb, à Salé, à 30 kilomètres de Rabat. L’enseignante y a réhabilité par la permaculture un terrain en climat semi-aride, en commençant par le reboiser avec des oliviers. Voyant qu’ils supportaient mal la sécheresse, elle a réalisé des « fosses éponges : un trou avec le compost et quand il y a de l’eau, ça la garde et les racines des oliviers peuvent puiser dedans. » 
On retrouve cette recherche d’autonomie alimentaire en Tunisie avec l’Association tunisienne de permaculture, qui attache beaucoup d’intérêt à la permaculture. « C’est la révolution déguisée en jardinage », peut-on lire sur son site. L’association organise des ateliers paillage, buttes ou encore diagnostic du sol, et organise chaque année la fête des semences paysannes. 
Autant d’expériences qui peuvent se transmettre, d’un continent à l’autre, pour apprendre à stocker l’eau de pluie avant les épisodes de sécheresse et pour limiter les impacts de ces dernières. Des savoir-faire qui deviendront de plus en plus précieux, à partager dans les années à venir. 

Christian David, prévisionniste à Météo-France et membre d’un jardin partagé en permaculture à Lyon, anime des conférences sur le changement climatique. 

Torba, tél. : (00 213) 772 82 67 01, http://agroecologie-algerie.org
Association tunisienne de permaculture, https://permaculturetunisie.wordpress.com
Pour « créer des ponts de communication entre le Maghreb et l’Europe », l’association Coup de soleil Rhône-Alpes organise des conférences ou téléconférences sur ces expériences de permaculture « au Sud comme au Nord ». Pour en être informé·e, envoyer un courriel à christidavin@gmail.com. Coup de soleil, BP 2433, 75024 Paris Cedex 01, http://coupdesoleil.net
Caravane des alternatives, https://caravane2020.wixsite.com

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