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Hommage à Giscard

Stephen Kerckhove

Le décès d’un ancien président engendre systématiquement un florilège de louanges qui relève d’une sorte de passage obligé. Un autre automatisme veut que chaque président laisse une trace en donnant son nom à un bâtiment ou un musée. Cet usage « républicain » en dit long sur l’ambition d’une classe politique qui craint l’oubli au point d’inscrire son patronyme dans le marbre (ou plutôt le béton) d’une institution culturelle.

Il y a, en cela, une réminiscence monarchique. François 1er s’incarne à Chambord, Louis XIV veut son château de Versailles, aucune raison que nos nouveaux rois démocratiquement élus ne perpétuent pas cette tradition. Faute d’inscrire leur nom dans les livres d’histoire grâce aux politiques engagées, nos présidents de la 5e République tentent d’imprimer leur marque dans un musée Georges Pompidou, une bibliothèque François Mitterrand ou dans un musée du quai Branly Jacques Chirac.
Valéry Giscard d’Estaing, décédé le 2 décembre 2020, n’échappe pas à cette règle non écrite. Le musée d’Orsay dont les travaux furent décidés durant le mandat de VGE est ainsi appelé à accoler son nom à celui de l’ex-président.

Un hommage à la hauteur de son génie radioactif

C’est faire bien peu de cas de l’auguste personnage et de sa volonté d’éternité. Un musée, quels que soient les chefs-d’œuvre qu’il accueille, ne perdurera que quelques siècles. Au regard des décisions que Valéry Giscard d’Estaing a prises durant son septennat, il eut été préférable de lui réserver un hommage à la hauteur de son génie radioactif.
La France s’est engagée dans l’impasse nucléaire lorsqu’il était ministre des Finances. VGE s’est appliqué à méthodiquement mettre en œuvre le plan Messmer durant son mandat présidentiel. C’est donc tout naturellement qu’il nous faut formuler le vœu que le centre d’enfouissement nucléaire de Bure soit baptisé « décharge atomique Giscard d’Estaing ». Pour l’éternité, nous nous souviendrons ainsi du nucléairocrate qu’était Giscard. La demi-vie du plutonium étant de 24 000 ans, nos descendants auront tout loisir de chercher qui pouvait bien être ce pharaon radioactif du nom de Giscard d’Estaing.
De fait, cette proposition, pour iconoclaste qu’elle puisse être, a, d’ores et déjà été indirectement reprise par le chef de l’État actuel Emmanuel Macron. Le jour de l’hommage national à VGE, en visite au Creusot, Macron rappelait dans un clin d’œil appuyé à son illustre prédécesseur, les « vertus » du nucléaire, annonçant le lancement d’un nouveau porte-avion atomique. Sans surprise, Emmanuel Macron s’inscrit ainsi dans cette lignée de chefs de l’État dont l’horizon indépassable semble être l’année 1973 et le plan Messmer.
Macron est en cela une réincarnation de VGE, l’extrême centre en commun… Nucléaire, bagnole, hypermarché, aviation et pesticides fondent ainsi les grands principes de son action. Pendant que l’histoire hoquette, nous continuons à tousser. Ce manque d’imagination est tel qu’il justifie pleinement que leurs noms soient associés à ces hauts lieux toxiques dont ils sont responsables.

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