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Quand l’armée investit la culture…

Patrice Bouveret

La pandémie a mis un coup de frein au projet d’extension du Service national universel (SNU). Même si cela ne signifie pas son abandon. Tous les séjours de cohésion ont été annulés en 2020, à l’exception de celui en Nouvelle-Calédonie. Le gouvernement tablait sur un recrutement de 20 000 à 30 000 volontaires, mais seulement 7 500 jeunes se seraient porté·es candidat·es… Soulignant le faible écho de l’initiative auprès des jeunes. Le second temps des missions d’intérêt général a été maintenu, mais aucune donnée sérieuse n’est disponible, permettant d’en mesurer l’impact.

De quoi se réjouir pour toutes celles et ceux qui, comme nous, sommes opposé·es à ce retour de l’embrigadement de la jeunesse… Sauf que l’armée utilise bien d’autres registres pour poursuivre sa propagande !

L’armée, deuxième acteur culturel de l’État !

Or, quand on évoque la militarisation de la société, on critique la fabrication des armes, les opérations militaires, la présence des militaires dans le cadre du plan vigipirate, mais bien trop rarement le rôle de l’armée qui se targue d’être le deuxième acteur culturel de l’État !
Les visites d’immersion de classes de collégien·nes ou de lycéen·nes dans les casernes sont un des moyens utilisés par l’armée. Elles sont facilitées par le protocole signé entre les ministères de la Défense et de l’Éducation nationale, qui décline toute une série de mesures permettant aux deux institutions d’interagir. Contestées au début des années 1980, lors de leur première mise en place, ces relations « pédagogiques » ne font plus l’objet de réelles critiques.
L’armée a également investi, au fil des années, tous les domaines culturels, de la gestion des archives à la valorisation du patrimoine immobilier en passant par les bibliothèques, les musées, l’aide aux écrivains, aux chercheu·ses, aux réalisat·rices de films, avec notamment toute une série d’événements et de prix financièrement dotés pour récompenser telle ou telle œuvre. Le dernier en date : la première édition en 2020 du prix « Les galons de la BD » pour récompenser des bandes dessinées traitant d’un sujet militaire !
Certes, sur un plan budgétaire, rien de comparable entre les montants investis dans les systèmes d’armement et celui pour développer l’emprise de l’armée sur la société. Toutefois ces sommes ne sont pas négligeables et seraient fort utiles pour d’autres secteurs si elles leur étaient allouées directement par l’État. En effet, le budget militaire pour 2021 consacre 39 millions d’euros à consolider les « Liens entre la Nation et son armée ». Pas la peine de chercher le détail de la répartition de cette somme, il n’est pas indiqué.
Toutes ces initiatives, ces prix peuvent apparaître bien innocents, voire même ridicules pris chacun individuellement, mais ils contribuent à ancrer la présence du militaire dans la société comme un poisson dans l’eau, comme un élément naturel qui ne pose pas problème, qui ne doit pas nous interroger. Et qui, de fait, ne fait pas l’objet de contestation. De quoi faire travailler notre imagination…
Patrice Bouveret

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