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Violences sexuelles au travail : la responsabilité des entreprises

D’après le Bureau international du travail en 2017, 35 % à 50% de femmes dans le monde auraient déjà subi des propos déplacés, des contacts physiques non désirés ou d’autres formes de harcèlement sexuel au travail.

Ces violences sont souvent minimisées par les employeurs, qui les considèrent comme de regrettables « affaires » n’engageant pas leur responsabilité mais celle de tel ou tel individu.
Mais si les violences sexistes et sexuelles au travail sont bien un problème de société qui déborde le cadre professionnel, elles résultent aussi d’une certaine organisation du travail. Elles s’inscrivent en effet dans un continuum de négation des droits, de brimades et de violences tout au long des chaînes d’approvisionnement des entreprises transnationales.

Le secteur textile : un cas d’école

Les femmes représentent 80 % de la main-d’œuvre dans les chaînes d’approvisionnement mondiales de l’habillement. Elles y exercent majoritairement des emplois précaires, peu qualifiés et peu rémunérés. La faible syndicalisation et la subordination à des cadres majoritairement masculins sont des facteurs de risques.
Au Cambodge, plus de la moitié des ouvrières interrogées en 2014 avaient souffert ou été témoins de harcèlement au travail, y compris de brimades de la part de leurs collègues et de harcèlement sexuel. Au Bangladesh, elles étaient plus de 80% à témoigner d’insultes, de coups ou de harcèlement sexuel dans notre enquête de 2019. En Jordanie, où le secteur emploie de nombreuses réfugiées syriennes, notre enquête de 2018 montre qu’elles courent deux fois plus de risque que les autres ouvrières d’être harcelées ou agressées.
D’une manière générale, les insultes et les brimades sont courantes pour obtenir le respect des délais et du rendement demandés par les grandes marques. Il s’agit de placer les travailleuses en position de faiblesse et d’exercer un contrôle sur elles. Ces violences sont donc structurelles et pas seulement individuelles.

Et si les entreprises françaises montraient l’exemple ?

Les entreprises françaises emploient 5,5 millions de personnes dans plus de 190 pays. Par leurs modèles économiques et leurs pratiques d’achats, elles sont en grande partie responsables des conditions de travail dans leurs chaînes d’approvisionnement.
C’est pourquoi nous leur demandons :

  • • de revoir leurs politiques d’achats pour réduire la pression sur les ouvrières (prix d’achat, stabilité du contrat, délais de production…),
  • • d’intégrer des clauses spécifiques dans les contrats pour interdire et sanctionner les violences chez leurs sous-traitants et fournisseurs,
  • • de mettre en place des mécanismes de contrôle effectifs et de confier à des syndicats et organisations féministes l’organisation de formations pour tout le personnel,
  • • de garantir la liberté d’association et de négociation collective, avec la pleine participation des travailleuses.
  • Rien de moins, finalement, que de respecter la récente Convention de l’Organisation internationale du travail contre les violences et le harcèlement au travail !

    ActionAid France, 47 avenue Pasteur, 93100 Montreuil, www.actionaid.fr

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