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Interdiction des armes nucléaires : un traité uniquement symbolique ?

Patrice Bouveret

Le compte à rebours de l’entrée en vigueur du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) est lancé. Les 75e commémorations des bombardements atomiques des villes japonaises de Hiroshima et Nagasaki (les 6 août et 9 août 1945) ont été l’occasion choisie par quatre nouveaux États — Irlande, Nigeria, Niue et Saint-Christophe-et-Niévès — pour ratifier le TIAN à l’ONU. Cela porte à 44 le nombre de ratifications sur les 50 requises. Il n’en manque donc plus que 6. Comme des procédures sont en cours parmi les 84 États déjà signataires, l’interdiction des armes nucléaires va devenir, sous peu, la nouvelle norme juridique internationale.

Aucune puissance possédant ou abritant des armes nucléaires n’envisageant pour l’heure de rejoindre cette dynamique d’élimination, cela peut donner l’impression d’une victoire purement symbolique, sans conséquences sur la réalité, comme s’en réjouissent certains partisans de la bombe.
C’est faux ! Un traité international ne contraint a priori que ceux qui le ratifie. Sauf que l’entrée en vigueur du TIAN va créer des obligations qui, dans le cadre du fonctionnement globalisé actuel, auront — et ont déjà eu — des effets concrets, y compris pour les non-signataires. Deux exemples.

Le TIAN a des conséquences bien réelles

Le premier concerne le financement des producteurs d’armes nucléaires, dont le TIAN prévoit l’interdiction. C’est le contribuable qui au final paye les armes nucléaires, mais sans l’implication des banques et des établissements financiers, l’industrie d’armement devrait connaître d’importantes difficultés propres à freiner ses ardeurs dans ce domaine. Déjà plusieurs établissements, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse, ont fait savoir qu’ils renoncent à financer l’industrie d’armement nucléaire pour se conformer au TIAN. Dernier en date : le Fonds de pension du gouvernement norvégien, deuxième plus grand fonds de pension de la planète. Un élan vertueux provoqué par le souci de leur image de marque et qui résulte de campagnes militantes. En France les établissements les plus investis dans l’arme nucléaire sont la BNP, le Crédit agricole, la Société générale ainsi qu’Axa, Natexis (1), etc. N’hésitez pas à interpeller votre banque… et à en changer !
Second exemple : le TIAN oblige les États parties à fournir une assistance aux victimes des essais nucléaires et à remettre en état l’environnement des zones affectées (article 6). L’Algérie est engagée dans le processus du TIAN et s’apprête à le ratifier. Va-t-elle prendre en charge seule les réparations des 17 essais nucléaires subis sur son territoire entre 1960 et 1966, sans se retourner vers la France qui les a réalisés ? Non ! Cette question est une épine dans les relations franco-algérienne dont les séquelles sont encore vives et pour lesquelles l’Algérie réclame des compensations… (2)
Avec l’entrée en vigueur du TIAN, les États nucléaires deviendront des « délinquants » au regard du droit international et vont devoir justifier le maintien de leur arsenal face aux autres pays membres de la communauté internationale. Cela a été rendu possible grâce à la mobilisation collective.

Patrice Bouveret

(1) Pour en savoir plus, voir le site www.icanfrance.org et https://www.dontbankonthebomb.com (en anglais).
(2) Cf. Sous le sable, la radioactivité ! Les déchets des essais nucléaires français en Algérie. Analyse au regard du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, étude de l’Observatoire des armements et de ICAN France, éditée par la Heinrich Boll Stiftung, téléchargeable sur le site www.obsarm.org

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