Le moins que l’on puisse dire c’est que la carrière du film Dark Waters en France a été très perturbée. Le film de Todd Haynes était en effet en 2e position du box office la semaine de sa sortie française fin février 2020. La suite on la connaît : la pandémie du Covid-19 a tout envahi et les salles de cinéma ont fermé. Mais le film pourrait bien avoir une seconde carrière tant la problématique qu’il traite est d’actualité. Son sujet : la pollution de l’environnement par les composés perfluorés, appelés PFAS, aux USA autour des années 2000 par la firme Dupont, un géant de la chimie américaine. Mais cette pollution n’appartient pas au passé ! Les composés de cette famille chimique de plus de 4 000 molécules portent des noms alambiqués comme l’acide perfluorooctanoïque (PFOA), le sulfonate de perfluorooctane (PFOS), l’acide perfluorononanoïque (PFNA), l’acide perfluorohexane sulfonique (PFHxS), etc. Ils sont utilisés en grandes quantités de nos jours dans des revêtements anti-adhésifs en cuisine, dans des mousses anti-feu, dans des textiles où ils jouent le rôle d’imperméabilisants, dans des emballages alimentaires (oui vous avez bien lu !) ou encore des matériaux de construction ou des isolants électriques. Le problème c’est que ces substances sont extrêmement persistantes, les Étasunien·nes les appellent d’ailleurs les « forever chemicals » (les produits chimiques éternels). Elles ont donc tendance à s’accumuler dans notre environnement… et, in fine, dans nos organismes !
La bataille est engagée au niveau européen
Santé publique France a ainsi publié en 2019 une étude (1) sur l’exposition de la population française à ces composés qui montre que 100 % de la population française a du PFOA et du PFOS dans son organisme ! Et les risques sanitaires de ces produits ont également de quoi effrayer : cancers, atteintes hépatiques, perturbation endocrinienne, obésité… Cette liste est d’autant plus effrayante qu’une partie de la population européenne dépasse la valeur hebdomadaire tolérable fixée par l’Agence sanitaire européenne, l’EFSA. Et si les perfluorés à longue chaîne les plus toxiques ont été retirés, leurs substituts « à courte chaîne » sont pour beaucoup également très persistants.
Heureusement on voit des signes encourageants d’évolution sur ce sujet dans certains pays. Ainsi le Danemark a annoncé l’interdiction des PFAs dans les matériaux pour contact alimentaires. De même les délégations danoise, luxembourgeoise, néerlandaise et suédoise au Conseil de l’Union européenne ont, fin 2019, officiellement demandé (2) à la Commission européenne de mettre en place des actions supplémentaires pour réduire les émissions de PFAs dans l’environnement.
La bataille des PFAs ne fait sans doute que commencer et les positions de ces quelques États n’en sont que les prémices. Comme toujours il faudra que la société civile pèse de tout son poids pour que ces chimiques d’un autre âge soient définitivement bannis !
François Veillerette
Générations Futures
(1) https://www.santepubliquefrance.fr
(2) https://data.consilium.europa.eu