Dossier Alternatives Santé

L’Herbe à l’aise ou la pharmacie autonome

Catherine Rulleau

Sans formation au préalable, Marc et Lotti se sont installé·es dans le Gers avec l’envie d’atteindre l’autonomie alimentaire. Au fil des cultures, le couple a développé son savoir agricole et découvert les possibilités de la phytothérapie.

En 1997, Marc et Lotti, porté·es par un rêve d’autarcie, quittent la Suisse pour une petite ferme de cinq hectares à Castelnau-Barbarens, dans le Gers, pas loin d’Auch ; il et elle ont 23 ans, un peu d’argent et beaucoup de courage. Aujourd’hui, leur structure, L’Herbe à l’aise, propose des stages de découverte de plantes médicinales sauvages ou d’immersion dans la forêt et vend une partie de sa production.

Des pratiques simples

Au départ, les bâtiments sont à retaper. À coups de débrouille et de matériaux de récup’, ils vont en faire leur petit paradis. Deux potagers, celui de Marc et celui de Lotti (car c’est pour chacun·e un lieu de créativité très personnel), un verger, vont leur permettre d’atteindre l’autosuffisance en fruits et légumes. Ils vivront pendant vingt ans sans électricité, éclairés par quelques lampes solaires et, depuis l’arrivée de leurs enfants, des panneaux permettant d’alimenter un ordinateur.
Un ruisseau pour les eaux grises (il y a des exploitations agricoles conventionnelles tout autour), et un puits dont l’eau est potable car filtrée par une forêt, complètent leur besoin. Ils achètent leur farine, issue de blés anciens, à un moulin bio proche, tout comme les huiles, lentilles et pois chiches, car ils ont la chance d’habiter dans un écosystème de producteurs écologiques. Ils ne mangent pas de viande. Seule concession récente : un téléphone portable, car la cabine téléphonique du village a été supprimée.

« Il faut se lancer ! »

L’Herbe à l’aise décide très tôt de se lancer en parallèle dans les plantes aromatiques et médicinales. Aujourd’hui, le couple entretient une petite exploitation bio de 25 variétés, dont environ huit en culture et les autres en cueillette sauvage sur son propre terrain. Marc et Lotti ont amélioré leur sol pendant des années avec des engrais verts, font leur compost et même parfois utilisent leur âne pour tracer les sillons. Ils produisent leurs propres semences : « Il faut se lancer, on ne connaissait vraiment rien du tout à l’agriculture, on a lu des livres et posé des questions de droite à gauche et on a surtout commencé ! On a beaucoup de visites de gens qui veulent faire la même chose et parfois j’ai l’impression qu’ils se préparent trop, ils font plein de formations mais l’important c’est de commencer, ne pas avoir peur d’expérimenter et de se tromper… Il y aura toujours quelqu’un pour t’aider après, » selon Marc. C’est ainsi que Marc, instituteur, est devenu exploitant agricole. Le couple propose à la vente des tisanes, baumes, teintures, huiles de macération et fleurs de Bach dans des salons bio locaux, un marché à Toulouse et des ventes en Biocoop et quelques autres magasins.

Des plantes qui soignent

Lotti a toujours aimé soigner sa famille avec leurs propres produits ; en presque vingt ans, la famille a dû aller trois fois chez le médecin. « C’est très agréable quand on ne dépend pas vraiment de quelqu’un et, du coup, on trouvait ça tellement pratique qu’on a décidé de le partager avec d’autres ! » Mais pour elle, « la phytothérapie ne remplace pas l’allopathie ! » : on ne doit pas utiliser les plantes comme si c’était une autre forme de médicament.
Elle reconnaît mal connaître ce qui se passe en France dans le milieu des huiles essentielles ou des plantes. Elle va souvent apprendre de naturopathes ou de phytothérapeutes suisses ou allemands réputés, dont l’approche est différente, plus tournée en général vers l’aspect scientifique, chimique, des composés végétaux. Deux de ses auteurs favoris sont Wolf-Dieter Storl, ethnobotaniste, et Suzanne Fischer-Rizzi, qui a fait connaître l’aromathérapie à l’Allemagne.
Outre des stages de phytothérapie et de cueillette de plantes sauvages, des ateliers de fabrication de remèdes maison pour les maux du quotidien, la particularité de Lotti est qu’elle est la seule en France à enseigner comment fabriquer ses propres préparations homéopathiques ! Ses stages sont d’ailleurs très souvent complets. Elle montre comment réaliser des teintures, à partir d’environ 200 plantes. « Quand on apprend à reconnaître les plantes qui poussent chez soi, on voit qu’elles poussent partout, ce ne sont pas du tout des plantes rares et je suis persuadée que les plantes qui poussent chez nous sont les meilleures pour nous. »
Par exemple, elle montre qu’il ne faut pas craindre de se soigner soi-même : « Il faut que les gens retrouvent confiance dans leur capacité à se soigner. » Heureusement, elle constate une demande grandissante pour l’autonomie, l’envie de savoir ce qu’il y a dans les produits qu’on utilise, de ne pas aller à la pharmacie pour tout, de savoir soigner ses enfants.

Catherine Rulleau

Contact :
L’Herbe à l’aise - Marc & Lotti
Au Bois-Bédat
32450 Castelnau-Barbarens
marcetlotti@gmail.com
https://lherbealaise.com

Voir aussi : « Vivre simplement : Marc et Lotti Bosh », Silence, n°353, p.9

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