Chronique Nord-Sud Solidarités sans frontières

Des melons au goût amer

Chloé Stevenson

« Si vous mourez au travail, sept personnes attendent de vous remplacer » : au Honduras, la vie des cueilleurs et cueilleuses de melons ne pèse visiblement pas lourd pour la multinationale Fyffes…

La plus ancienne marque de fruits au monde

Fondée à Londres en 1888, l’entreprise était alors spécialisée dans la production et le commerce de bananes. Elle a aujourd’hui son siège à Dublin, domine le marché européen de bananes en Europe mais vend aussi des ananas, des bananes plantains et des champignons, ainsi que des melons.
Rachetée en 2017 par la multinationale japonaise Sumitomo, Fyffes doit une partie de son chiffre d’affaires à la violation systématique du droit du travail dans les pays de production et notamment au Honduras, où sont produits les « melons d’hiver » pour le marché nord-américain.

Une situation intenable pour les ouvrières agricoles

Dans le département de Choluteca, au sud du Honduras, ce sont surtout des femmes qui travaillent dans les plantations de melons de Fyffes : les meloneras. Au plus fort de la production, entre le mois de novembre et le mois de mai, au moins 6 500 personnes s’activent dans les champs.
Mais plus de 90 % d’entre elles sont embauchées en contrats saisonniers de 6 mois, et beaucoup ne peuvent compter que sur ce salaire pour vivre toute l’année. Or, même les personnes qui travaillent depuis plus de 10 ans dans les plantations – soit la moitié de la main-d’œuvre saisonnière – ne sont jamais assurées d’être réembauchées l’année suivante !
Cette précarité les contraint à accepter des conditions de travail particulièrement difficiles. Rarement rémunérées pour leurs heures supplémentaires et encore plus rarement affiliées à la sécurité sociale, les meloneras gagnent souvent moins que le salaire minimum légal, sont exposées sans protection à différents pesticides et herbicides, doivent présenter un test de grossesse négatif pour être embauchées, etc.

La mobilisation exemplaire des meloneras

Depuis le 28 janvier 2016, des dizaines d’ouvriers et d’ouvrières agricoles ont décidé d’adhérer à un syndicat pour tenter de défendre leurs droits : le Sindicato de Trabajadores de l’Agroindustria y Similares (STAS).
Cette adhésion leur a permis de demander l’ouverture d’une négociation collective sur les conditions de travail, mais elle leur a coûté cher. Dès le lendemain, les mesures d’intimidation se sont succédées : refus de renouveler le contrat saisonnier des personnes syndiquées, menaces à peine voilées, visites auprès des ouvrières pour les convaincre de démissionner…
Sous la pression internationale, la marque a finalement signé, le 11 janvier 2019, un accord avec le STAS, qui prévoit l’ouverture d’une négociation collective. Mais c’est avec deux syndicats « alternatifs », créés en octobre 2019 et composés de cadres, que Fyffes a finalement négocié le versement d’un bonus de fin d’année… bien inférieur aux sommes dues depuis des années !
ActionAid appelle à soutenir les ouvrières et ouvriers saisonnier·ères du STAS en interpellant directement la marque : https://bit.ly/melons-amers.

Chloé Stevenson

ActionAid France, 47 avenue Pasteur, 93100 Montreuil, www.actionaid.fr

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