Chronique Chronique Jai Jagat 2020

Hospitalité et générosité en Arménie

Véronique

Le Caucase. Nous marchons sur les plateaux enneigés d’Arménie. Devant cette immensité, parfois on ne sait plus où s’arrête la terre et où commence le ciel, ils ne font qu’un. Le froid engourdit nos visages, le vent balaye le sol gelé fraîchement saupoudré. On se laisse envahir par ce silence assourdissant. Nous marchons.

Redescendu·es dans la plaine, un vent du nord printanier vient à notre rencontre sur cette longue route droite en direction d’Erevan. Sur ces espaces arides, le mont Ararat sorti de la brume, comme en lévitation, nous relie au ciel. Sacré pour les Arménien·nes, et pourtant en terre turque. On le sait si proche. Lui n’a que faire des frontières. Il est là, puissant, majestueux, offert à tous les regards et à tous les cœurs. Les bourgeons se développent timidement sur les pommiers, abricotiers et vignes qui couvrent ces étendues d’ocres. Dans les villages, les habitant·es nous interrogent et, sans plus de mots, nous offrent pain, confiture ou fromages. L’hospitalité et la générosité s’étendent. Nous marchons. Souvent des véhicules s’arrêtent. On explique comme on peut Jai Jagat. Des sourires, des regards interloqués parfois. Des encouragements, toujours. Nous marchons.
Angel et Leowla, hôte et hôtesse d’exception
Je n’oublierai jamais ce jour. À quinze, nous attendons le reste du groupe resté bien en arrière. Angel, surgi d’on ne sait où, nous rejoint au bord de la route. Il nous invite alors pour un café. On accepte, heureux d’emboîter le pas à cet homme dont le regard évoque déjà une noble générosité. Par un chemin de terre, nous atteignons sa maison où nous attend Leowla, sa compagne. Elle nous accueille avec un empressement touchant de spontanéité. Une cour occupée par deux oies et un dindon entoure une modeste bâtisse surmontée d’une terrasse. Nous y montons, face à un mont Ararat baigné de soleil. La générosité est là. Sur la table sont dressés fromages, « lavash », ces fines galettes de pain servies à chaque repas, confiture d’abricot, poires et cerises au sirop. Angel porte un toast à notre rencontre, puis un autre à nos familles. La joie monte. Arrivent d’autres fromages, faits par leurs soins. Des assiettes d’herbes fraîches et de confits de tomate complètent ce repas abondant et délicieux. Soudain nos vingt-cinq compagnes et compagnons de marche s’annoncent et investissent la cour ensoleillée. Sans sourciller, mais plutôt avec un sourire redoublant de bonté, nos hôtes ressortent de quoi nourrir généreusement tout le monde. Sur leurs visages se lit le bonheur infini de donner. Nous sommes béni·es. Cette générosité qui nous touche, nous la savourons, émerveillé·es. Le temps est comme suspendu. On remercie la vie de cette rencontre.
L’amour est palpable, dans cette nourriture offerte, dans les mains qui l’offrent et celles qui la reçoivent, dans nos cœurs qui s’ouvrent. Angel nous confie alors que, lorsqu’il traversa la Russie des années plus tôt, partout où il passa, il fut accueilli sans compter. Il nous enjoint de ne jamais oublier ce moment que nous partageons. Parce que la vie est en cela : en l’amour que nous recevons, en l’amour que nous transmettons. Nous marchons.

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