Victoire historique contre les « OGM cachés » cultivés en France

Annick Bossu, Guillaume Gamblin

Depuis 2001 une directive de l’Union européenne définit les OGM comme des organismes « dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle ». Elle les soumet à des procédures d’évaluation, d’autorisation, d’étiquetage et de suivi.

Ainsi les OGM obtenus par transgenèse sont reconnus OGM et ont été régulés en tant que tels. Ils ont été cultivés quelques années sur notre territoire et abandonnés en 2008 où, sous la pression sociale, ils sont alors devenus interdits : grande victoire à l’époque !
Il n’en est pas de même des OGM obtenus par les techniques de mutagenèse : ils sont aussi reconnus OGM mais, jusqu’au 7 février 2020, ils étaient exclus du champ d’application de cette directive, dite 2001/18, au motif que les plantes mutées étaient cultivées depuis longtemps de façon traditionnelle et avaient fait preuve de leur non dangerosité. Ce qui était le cas des plantes mutées sur plante entière, bourgeon ou graine : on dit in vivo

Des plantes mutées ont été cultivées sans être évaluées...

Or depuis 2010, des plants de colza et de tournesol sont cultivés en France : ils sont issus de cultures cellulaires et mutagenèse in vitro. Ces OGM mutés in vitro cultivés postérieurement à 2001 ne pouvaient pas à cette date avoir fait preuve de leur innocuité 
Mais pendant des années, ces plantes mutées ont été commercialisées sans la moindre évaluation et sans étiquetage. De nombreuses organisations écologistes se sont insurgées contre cette aberration, et les Faucheurs volontaires sont intervenus par des fauchages de parcelles expérimentales pour alerter sur cette culture d’« OGM cachés » et leur possible dissémination dans l’environnement.
En France, toutes ces plantes sont modifiées afin d’être rendues tolérantes aux herbicides, elles en sont imbibées et les herbicides se retrouvent dans l’environnement et dans nos assiettes. On appelle ces plantes des VrTH (Variétés rendues Tolérantes aux Herbicides). Les firmes se frottent les mains, elles vendent l’OGM et son herbicide associé !
Devant l’inaction des pouvoirs publics, en 2015, 9 organisations de la société civile avaient lancé un recours juridique devant le conseil d’État pour lui demander de statuer sur la légalité de la commercialisation et de la culture des VrTH en France. 

...mais ce ne sera plus possible à partir de 2020 !

Incapable de répondre, le conseil d’État avait alors porté la question devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Celle-ci a confirmé en juillet 2018 que les organismes obtenus par mutagenèse constituent bien des OGM et a statué que les nouvelles techniques de modification du génome (comme celles utilisant le fameux CRISPR Cas) donnent des OGM
Par un arrêté du 7 février 2020, le conseil d’État, plus haute juridiction de France, annule le décret français excluant la mutagenèse sans distinction du champ d’application de la loi. Toutes les plantes issues de mutagenèse in vitro développées après 2001 doivent être réexaminées, et, si besoin, retirées du marché et des cultures. Elles sont devenues illégales. Le conseil d’État laisse 9 mois à l’État pour identifier les variétés issues de la mutagenèse illégalement mises sur le marché et pour les radier du catalogue. Il demande aussi la prise en compte du principe de précaution pour l’appliquer aux VrTH. Reste maintenant à surveiller la manière dont cette décision sera appliquée. 

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