Dossier Alternatives

Moins !, « journal de la décroissance »

Manon Salé

Moins ! est un peu le pendant Suisse de Silence : journal d’écologie politique, il promeut et diffuse les idées de la décroissance. Ce dossier n’aurait pas été complet sans une présentation en bonne et due forme de notre ami suisse, qui en signe une partie.

Moins !, journal romand d’écologie politique, est un bimestriel papier dont les locaux sont basés à Lausanne. Créé en 2012 par des membres du Réseau objection de croissance Vaud, il vise à faire vivre une écologie politisée et locale, en valorisant notamment des expériences alternatives. Il imprime environ 3 000 exemplaires par numéro.

Derrière l’écologie politique : la décroissance

Bien que le terme ne soit pas écrit en une du journal, Moins ! est bel et bien une revue d’information, de réflexion et de débats sur la décroissance. Ses fondat·rices souhaitaient pallier un certain essoufflement du Réseau objection de croissance en Suisse. Le but est de faire converger les luttes et les causes (antiproductivisme, écologie, féminisme), qui sont interdépendantes, afin d’avoir une force plus grande dans une Suisse dépolitisée. Pour Léo Cerone, membre de la rédaction, « les gens sont persuadés que le pays est exemplaire dans de nombreux domaines », dont le recyclage et la démocratie. Il est donc important d’élever la voix, ensemble, pour pointer les contradictions de la Suisse, et des sociétés modernes en général, et battre en brèche le discours du développement durable. « Ce n’est pas un journal de militant·es pour des militant·es », insiste François Friche, autre rédacteur. On cherche à apporter un autre regard sur les sujets dont tout le monde parle« Moins ! cherche à »porter la parole des alternatives décroissantes locales", nous affirme Mathieu. Il offre dans chaque numéro un espace d’expression à des alternatives collectives locales. La dispersion des membres de la revue dans la Suisse romande et au-delà, permet de couvrir l’information sur tout le territoire et de faire le lien entre de nombreux réseaux.
Chaque membre de l’équipe a ses formes d’engagement au quotidien : Mathieu vit à la campagne et pratique la déscolarisation et le jardinage avec 25 autres familles, Yvan s’est engagé dans la politique militante et institutionnelle comme député au Parlement vaudois, Lena, nouvelle recrue, anime des stages de repérage et de cueillette de plantes comestibles, Jonas est impliqué dans les luttes pour les migrant·es… Ses trois membres fondateurs étaient pères au foyer et d’autres qui les ont rejoints le sont également.

Un ancrage fort en Suisse romande

Moins ! s’appuie sur la distribution en kiosque depuis le premier numéro afin « d’occuper l’espace public », bien que ce choix soit régulièrement remis en question : c’est une entreprise capitaliste qui gère les kiosques de Suisse romande. Les numéros sont censés être en vente à prix libre, ce qui n’est pas possible avec ce système. À l’inverse, comme avec Silence, l’abonnement est privilégié : il permet notamment de mieux gérer le nombre d’exemplaires à imprimer et de garantir un prix libre. Moins ! est aussi diffusé dans des lieux militants ou encore sur des stands, lors d’événements. Un moment s’est posée la question de la traduction du journal en allemand et en italien, afin de toucher également les régions alémaniques et italiennes. Mais « le contexte et les références ne sont pas les mêmes », explique François. « Les auteurs et ressources dont on se sert viennent du monde francophone ». « Rien que le mot décroissance, c’est dur de traduire en allemand ! », s’exclame Léo. Pour l’instant, Moins ! reste donc en français. Un site internet, volontairement très sommaire par souci décroissant, présente le sommaire du numéro du mois, les anciens numéros, et permet de s’abonner.

L’organisation de Moins ! : un « équilibre subtile »

Au début, Moins ! reposait uniquement sur du bénévolat, ce qui a forgé l’identité du journal. Cependant, la charge de travail d’Yvan, un des membres fondateurs, qui gère la mise en page et l’administration, a nécessité une réflexion sur l’usage du salariat. Yvan est ainsi devenu le premier salarié de Moins !. Cette question est revenue sur la table pour Léo, embauché d’octobre 2018 à octobre 2019, à 12 %, afin de se consacrer à la prise de contact avec les partenaires , à la diffusion et à la participation du journal à des événements. Le salariat est donc surtout un moyen de répondre à des enjeux ponctuels du journal. Pour le reste, le bénévolat prime.

Une journée de rédaction a lieu tous les deux mois, à tour de rôle chez les un·es et les autres, en plus de réunions bimensuelles. Même si « on commence à trouver une certaine routine », comme l’affirme Mathieu, l’organisation du journal est un joyeux « équilibre subtile », résume Léo. Les rédact·rices, géographiquement éloigné·es les un·es des autres, jonglent entre les rencontres régulières, les mails et les coups de téléphone. Le contenu des articles étant assez libre et les relectures de fonds se faisant surtout à l’interne dans des délais plutôt brefs, « il est possible qu’un article soit entièrement remis en cause une semaine avant le bouclage ! ». Et pourtant, cela fonctionne et le résultat est toujours plus que satisfaisant. Depuis octobre 2018, l’équipe loue un petit local au sous-sol de la librairie Basta, à Lausanne. Cela permet d’avoir un lieu de rencontre avec les lect·rices, de stocker des archives et d’abriter une bibliothèque autogérée par un groupe de bénévoles. Un des enjeux de Moins ! est à présent de mieux gérer la répartition du travail. En effet, Yvan a beaucoup à faire, et c’est le seul à savoir gérer la maquette, ce qui poserait problème en cas de départ. Autre bémol : il y a peu de plumes féminines parmi la rédaction.

Un journal en bonne santé

Selon Mathieu, les choix effectués pour le premier numéro ont été les bons : « on a visé plutôt juste dès le début, en terme de rythme de parution, de choix de l’imprimerie, de nombre de pages ». La complémentarité des membres de l’équipe a permis au journal de tenir ses engagements et ses délais. Bien sûr, la vie n’étant pas un long fleuve tranquille, cela n’a pas toujours été facile. « On a tous merdé dix fois, mais on s’est jamais engueulés », déclare Mathieu. Le plaisir de travailler ensemble et d’échanger des réflexions politiques passe avant tout. Aujourd’hui, Moins ! se porte plutôt bien avec plus de 1 000 abonné·es en plus des ventes en kiosque et dans les points de dépôts militants. Les idées décroissantes n’en ont pas fini de fleurir !

Moins !, journal romand d’écologie politique, rue des Deux-Marchés 23, 1800 Vevey, Suisse

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