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En France, la consigne en verre renaît grâce à des pionni·ères

Pauline De Deus

Il n’y a pas si longtemps, chacun·e avait pour habitude de rapporter ses bouteilles en magasin. En échange, on récupérait une pièce : la consigne. Une technique simple et efficace pour réutiliser les pots en verre après les avoir lavés. Mais, au début des années 1990, avec la prolifération des emballages à usage unique, la consigne a disparu.

Actuellement les bouteilles en verre, produites le plus souvent pour un usage unique, ne sont issues qu’à 60 % du recyclage. Le reste est inéluctablement constitué de matériaux vierges.
Dans plusieurs pays européens, le réemploi de la bouteille en verre n’a jamais disparu. Mais en France, hormis en Alsace, il faut tout reprendre depuis le début. De modestes expériences, un peu partout en France, tentent d’introduire le réemploi du verre.
Dans la Drôme, l’association Locaverre y travaille depuis un peu plus de deux ans. Après moult réflexions et une étude de marché, ses membres ont décidé d’acheter leur propre machine de lavage en Italie. Comme l’a montré une étude de l’Ademe en 2018, pour que le réemploi présente un « bénéfice environnemental significatif », par rapport à l’usage unique, les distances doivent rester faibles. Cet été, dans l’entrepôt de la brasserie La Pleine Lune, à Chabeuil (Drôme), la machine a commencé à ronronner. Une quinzaine de product·rices dans différents domaines sont partenaires : brassage, transformation de jus, viticulture, production de yaourt, etc.

Recréer une filière et des normes claires pour que le réemploi s’impose sur le territoire

Clémence Richeux, bénévole depuis les prémices de l’association, et désormais salariée, connaît le dossier sur le bout des doigts. La rentabilité ? « D’ici quatre ans. » Pour combien de bouteilles ? « 1,5 million sur douze mois. » Les emplois créés ? « Une dizaine dans les années à venir. » « On mettra plus de temps à atteindre la rentabilité qu’une entreprise classique, mais notre action n’est pas qu’économique… elle est aussi sociale et environnementale ». Le projet, né de subventions publiques, de dons (financement participatif) et d’emprunt, devra compter sur le soutien des institutions pour atteindre son objectif.
À terme, l’objectif serait de recréer une filière et des normes claires pour que le réemploi s’impose sur le territoire.
Le défi principal réside dans le changement des mentalités. C’est une culture de consommation habituée à l’usage unique qu’il faut remettre en question. Et une consigne dissuasive pourrait être un moyen d’y arriver. « Dix centimes, ce n’est pas assez. Par contre, si les gens payent 50 centimes de plus pour leur bouteille et qu’ils peuvent récupérer leur argent quand ils la rapportent, là, ils s’efforceront de le faire », argue Thomas Skubich, de la brasserie du Pilat.
D’après plusieurs études, lavées dans un périmètre inférieur à 300 km, les bouteilles en verre rejettent 80 % de gaz à effet de serre en moins que lorsqu’elles sont recyclées. Sans compter la consommation d’eau (réduite de 33 %, puisque réutilisée d’un lavage à l’autre) ou celle de l’énergie (75 % d’économie)… Locaverre en est persuadé, son projet finira par faire des petits partout en France : « Une fois la consigne imposée et les contraintes logistiques levées, réutiliser les bouteilles en verre sera une évidence. » Encore faut-il que le gouvernement en fasse une priorité.
Pauline De Deus

Article initialement paru sur Reporterre

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