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Notre-Dame-de-Paris : chape de plomb sur la santé des riverains

Michel Bernard

Dès l’incendie du 15 avril 2019, les spécialistes savaient que la flèche de la cathédrale contenait d’importantes quantités de plomb et que le nuage qui se dégageait était extrêmement toxique. Au total, ce sont 400 tonnes de plomb qui sont parties en fumée.

Pour Annie Thébaud-Mony, directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, cela représente 4 années de diffusion du plomb sur la France entière. Elle s’étonne que dès le début des précautions particulières n’aient pas été prises : les pompiers auraient dû systématiquement être munis de masques, tout comme les personnes qui dans les jours suivants sont entrées sur le chantier.

Un nuage passe…

Le vent emmenait le nuage vers l’ouest de la ville. Les personnes qui regardaient l’incendie en étant sous le vent ont dû être fortement contaminées. Plus grave : ce sont les enfants qui sont le plus sensibles à la pollution au plomb. Des écoles situées sur le trajet du nuage ont continué d’accueillir les enfants jusqu’à début juillet. Les analyses réalisées dans les cours ont alors montré un taux de contamination élevé et deux écoles ont été fermées... le 25 juillet ! Pendant les vacances scolaires.
Ce même jour, les travaux sur le site de Notre-Dame ont été interrompus, sur décision de la préfecture, pour mettre en place plus de sécurité. Il s’agit de faire en sorte que les ouvriers ne respirent pas trop de plomb, mais également que les poussières déposées partout sur la cathédrale ne se dispersent plus à chaque coup de vent.

Des réactions beaucoup trop tardives

Le 5 août, des résultats d’analyse de sang portant sur 82 enfants, ont montré que pour dix d’entre eux, la contamination atteignait un seuil proche de celui déclenchant une déclaration de saturnisme... alors que ce seuil n’est généralement atteint qu’après plusieurs années d’exposition aux poussières de plomb (1).
L’Agence régionale de la santé a publié une carte de la pollution début août. Des prélèvements ont été faits à partir du 13 mai (2). Près des deux écoles fermées (3), les taux de pollution dépassent la limite de 5 000. Sur 175 analyses de sang faites sur des enfants du quartier, 16 présentent un taux supérieur au seuil d’alerte (25 microgrammes par litre de sang).
Globalement, la zone la plus polluée se trouve sur l’île de la Cité et rive-gauche, au sud-ouest, près du Ministère de la transition écologique et solidaire qui s’est montré particulièrement défaillant sur ce dossier.

En cas d’accident dans une zone touristique, la première mesure semble être de ne pas effrayer les touristes. Et maintenant des personnes découvrent qu’elles vivent depuis des mois dans une zone contaminée.

Michel Bernard

(1) La maladie provoquée par le plomb s’appelle le saturnisme. Elle bloque le développement intellectuel des enfants, provoque des retards de croissance, un retard de puberté et peut déclencher de la surdité.
(2) Alors que le seuil d’alerte est de 5 000 microgrammes par m2, ce taux est dépassé à de très nombreux endroits sur l’île de la Cité, avec un record à 1 300 000 sur le parvis de la cathédrale.
(3) Écoles maternelle et élémentaire au 12 et 16, rue Saint-Benoît, dans le 6e, à environ 1 km à l’ouest.

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