Dossier Alternatives

De l’art de choisir ses couches

Laura Boutevin

Qui, des futurs et jeunes parents, ne s’est pas un jour inquiété de devoir changer bébé ? Petite crevette fragile à manipuler avec précaution, il faudra pourtant bien lui envelopper les fesses jusqu’à l’âge tant attendu de la continence. Alors, couches lavables ou couches jetables ?

Le débat « lavables ou jetables » ne cesse d’être relancé. Par exemple, une étude menée par l’Ademe en Angleterre (1), comparant couches réutilisables et couches jetables, apportait une conclusion inattendue selon laquelle l’impact écologique des deux produits serait identique sur le long terme. Que croire ? Si les défenseurs des couches lavables se voient trop souvent traités d’extrémistes écolos, leurs arguments sont bien plus nombreux qu’on ne le pense.

Une étude discutable

L’Ademe annonçait que toutes les couches avaient un impact écologique similaire, à savoir une émission de gaz à effet de serre de 600 kg d’équivalent CO2 (soit Paris-Moscou en voiture !), pour deux ans et demi de consommation. Cependant, à y regarder de plus près, l’étude prenait en compte plusieurs éléments assez incongrus ; entre autres, l’utilisation d’adoucissant, pourtant formellement déconseillé car il encrasse les couches, les rend moins absorbantes et moins efficaces. Un autre élément du calcul était le repassage des couches. Quel parent a trouvé le moyen fantastique de perdre son temps à une chose aussi folle ? Vous trouverez encore, dans le calcul de l’Ademe, l’utilisation d’un sèche-linge (laissez donc vos couches sécher à l’air libre !), un lavage à 90 °C (60 °C suffisent pour les inserts en coton, et les matériaux comme le bambou, la laine ou le polaire ne passent qu’à 30 °C ou 40 °C), ou le transport du produit jusqu’au consommateur, prenant en compte des couches fabriquées au Pakistan ou en Australie. Heureusement, nous avons en France et en Europe des producteurs ou créateurs de couches qui nous permettent d’acheter local, et il est possible de trouver en ligne toute une armée de mamans couseuses aux doigts de fées.
Autant dire que le match nul entre les jetables et les lavables qui résultait de cette étude est bien discutable, et peu représentatif de la véritable utilisation quotidienne des couches lavables. Accordons un point positif à la couche réutilisable concernant l’écologie. L’Ademe admettait elle-même que les conséquences sur l’environnement des couches lavables sont moins négatives si celles-ci sont réutilisées pour plusieurs enfants. S’équiper pour l’aîné et garder les couches pour les enfants suivants — ou acheter des couches lavables d’occasion — permet donc de diminuer son impact.

L’argument économique

Les couches lavables sont plus chères à l’achat. Pour 40 euros, vous avez un paquet maxi de Pampers ou deux couches lavables seulement (et encore, cela dépend de la marque). Pourtant, l’investissement de base est très vite rentabilisé. Il faudra deux ans et demi en moyenne à votre petit pour devenir continent. On évalue, sur ce laps de temps, environ 1700 euros de couches jetables, contre un investissement d’environ 500 à 600 euros pour un équipement complet en lavables.

Et l’hygiène, alors ?

On nous a bien inculqué que ce qui est à usage unique est sans conteste plus hygiénique. Ainsi, les couches lavables seraient plus saines. Toutefois, on peut se poser des questions : est-il réellement propre de mettre les selles d’un être humain (même bébé) à la poubelle ? Si les couches sont bien lavées, elles ne posent aucun problème d’hygiène, à tel point que la maternité de Roubaix les a testées en solution alternative aux jetables et que plusieurs crèches, lieux d’accueil collectif et haltes-garderies, les acceptent. Mais en plus, la question du traitement de déchets contenant des « cacas humains » reste sans réponse. Ces selles, enfermées dans les couches jetables qui finissent dans la poubelle, vont ensuite s’entasser dans les déchetteries ou sont incinérées. Avec une couche lavable, que vous les rinciez à grande eau dans le lavabo ou que vous jetiez les selles de bébé avec le film biodégradable placé au fond de la couche pour s’épargner de frotter, les productions digestives des tout-petits finissent dans les égouts, au même titre que celles des grands, pour être ensuite traitées avec les eaux usées.

Plus que l’hygiène, la santé

Combien de parents prennent la peine de lire l’étiquette d’une couche jetable avant de l’acheter ? Lire celle du petit pot, oui ! Ou bien celle du savon que l’on veut sans paraben, par exemple. Mais les couches… Il faut dire que la liste des composants d’une couche jetable n’est pas si facile à déchiffrer, quand les fabricants daignent la publier. Pourtant, saviez-vous que si les couches sont si blanches et paraissent si propres, c’est parce qu’elles sont blanchies au chlore ? Saviez-vous qu’on y trouve du benzol et de la dioxine, deux composants cancérigènes ? Et vous a-t-on dit que le gel absorbant qui retient les urines pour que bébé ait les fesses au sec a été interdit en 1989 dans les tampons périodiques féminins ? Ne trouve-t-on pas curieux que les bébés, eux, soient en contact pendant deux ans et demi, nuit et jour, avec ce fameux gel qu’est le polyacrylate de sodium ?
On ne parle pas des parfums ni de la température dans les couches jetables, qui serait plus élevée que dans les lavables, amenant certains médecins à s’interroger sur les conséquences sur le développement des testicules des petits garçons. Et épargnons-nous le rappel de l’érythème fessier, trop connu des parents.

Faire confiance à ses sensations

Un bébé, à la naissance, sait très bien s’il a besoin ou non d’uriner ou de déféquer ; il émet des signaux. C’est sur ce principe que se fonde l’hygiène naturelle infantile (1). Pourtant, combien de parents s’inquiètent de l’apprentissage de la propreté, deux ans et demi plus tard ? Et ils ont raison. Un enfant portant des couches jetables, avec ce formidable « fesses au propre » qu’on nous vend sur l’emballage, perd peu à peu confiance en ses sensations. Lorsqu’il urine, il ne se sent pas mouillé. Quelle drôle d’idée de vouloir lui apprendre à être propre alors qu’il ne se sentait pas sale !
Avec les couches lavables, bébé garde une sensation d’humidité lorsqu’il urine, et c’est lui rendre service que de le laisser ressentir ses besoins. Il demandera à être changé puis, plus tard, à aller sur le pot. En un sens, choisir les couches lavables revient aussi à aider l’enfant à prendre confiance en son ressenti physique et son mieux-être, à rester conscient de ses besoins et à les gérer.

Dans la jungle des couches lavables

TE1, insert, booster, culotte de protection ou d’apprentissage… Si vous portez votre choix sur les couches lavables, pour l’une ou l’autre des raisons évoquées, vous serez cependant vite noyé•e dans le jargon ou le choix qui s’offre à vous. Pas facile de s’y retrouver. L’insert peut être cousu dans la couche, se glisser dans une poche, se pressionner à la culotte, être jetable, biodégradable ou lavable.
D’autres modèles sont encore envisageables, tels que les langes, qui demandent de l’habileté pour être pliés et noués mais qui sont très économiques et faciles à entretenir.

Quelle taille choisir ?

Comme pour les couches jetables, les lavables ont un système de taille. On parle alors de couche à taille multiple. La taille 1 ou S est destinée aux nouveaux-nés jusqu’à 8 kg environ ; la taille 2 s’utilisera le plus longtemps, car elle va jusqu’à 15 kg, un poids qui correspond souvent à l’âge de la continence. Par opposition à ces tailles multiples, vous aurez la surprise de voir des « tailles uniques » ou « couches évolutives ». Économiques, elles permettent de n’acheter qu’une fois son lot de couches et de suivre bébé dans sa croissance. Il suffira, quand les pipis deviendront plus importants, d’ajouter un insert ou un booster pour augmenter la capacité d’absorption. La taille de ces couches se règle avec plusieurs niveaux de boutons-pression ou un scratch qui se serre plus ou moins.
Et pour ceux qui voudraient se lancer dans la création maison de leurs propres changes, des sites proposent des conseils pas à pas et des patrons. Il ne vous reste plus qu’à bien choisir vos tissus, que vous fabriquiez ou achetiez. Le coton est facile à entretrenir, doux et absorbant, et il existe en bio, mais sa production consomme beaucoup d’eau. Vous pouvez aussi vous tourner vers le chanvre, le bambou, le tencel ou le polaire — ce dernier peut être en plastique recyclé mais c’est une matière synthétique avec quelques risques d’allergies, à éviter en cas de rougeurs aux fesses.

Si vous restez indécis, sachez qu’il reste une autre solution alternative : les couches jetables écologiques, plus chères que leur équivalent classique mais qui ont le mérite d’être en partie biodégradables et dépourvues de substances toxiques. Pensez également à l’hygiène naturelle infantile.

Laura Boutevin

(1) Cette pratique consiste à observer les réactions d’un bébé afin de détecter les signes indiquant qu’il a envie de faire ses besoins (urine et selles), pour lui permettre de se soulager immédiatement aux toilettes, dans un pot de chambre ou dehors.

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