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De l’économie circulaire en politique...

Stephen Kerckhove

Année après année, notre société accumule une montagne de déchets qu’elle ne sait pas traiter. Avec une nonchalance qui confine à l’absurde, nous produisons des millions de tonnes de plastique à usage unique. Après quelques minutes entre les mains, sacs et autres emballages iront rejoindre l’incinérateur ou pire un fossé, une forêt ou un point d’eau qui l’entraînera vers les océans.
Chaque année, la France utilise 10 milliards de bouteilles plastiques dont une petite moitié est collectée puis triée. Les cinq milliards restant (soit près de 160 bouteilles par seconde !) sont donc « simplement » jetées. C’est ainsi que le volume des plastiques en mer pourrait excéder celui des poissons d’ici à 2050. La durée de vie de ce type de plastique excède les 450 ans. Leur longévité en fait une matière quasi indestructible. Elle nous survivra et sera une trace indélébile, une marque de fabrique de nos sociétés dispendieuses en ressources pétrolières.

Le discours sur le recyclage encourage le gaspillage

Ce gaspillage est le fruit de l’influence des discours déculpabilisants sur le recyclage et de l’économie circulaire. Et pourtant il y a un écart important entre les objectifs affichés et la réalité.
En France, entre 2007 et 2013, la part des plastiques réellement recyclés est passée péniblement de 21 à 24 %. En dehors des bouteilles et flacons, moins de 3 % des plastiques ayant fait l’objet d’un tri sont finalement recyclés. Sous couvert d’un discours déculpabilisant sur le recyclage, les consommat·rices peuvent continuer à user et à abuser d’une matière qui ne se recycle pas ou peu.

Le bilan catastrophique du plastique recyclé

Et lorsque le plastique est recyclé, il n’en devient pas pour autant une matière noble. Certaines études laissent à penser que le processus de recyclage ne serait pas aussi vertueux que ce que l’on pourrait imaginer. 40% de la matière « disparaîtrait » au cours du processus de recyclage. Pire, la nouvelle matière recyclée peut parfois réintroduire des additifs interdits comme le bisphénol A ou autres perturbateurs endocriniens. Mais ce n’est pas tout ! Le « recyclat », matériaux issus du recyclage, est souvent utilisé pour des tissus synthétiques. Chaque lavage va générer des dizaines de milliers de microfibres plastique qui iront polluer nappes phréatiques et autres cours d’eau.
Le recyclage des plastiques ne s’inscrit nullement dans le cadre d’une économie circulaire où une matière pourrait être réutilisée à l’infinie. Le plastique, une fois recyclé sous forme de polaires et autres plaids synthétiques, est avant tout un déchet ultime en devenir.

La seule bonne solution : arrêter d’en produire !

Avec une étonnante facilité, le gouvernement s’apprête à adopter une loi sur l’économie circulaire reposant sur l’objectif d’un recyclage de 100 % des plastiques d’ici à 2025. Irréaliste en terme quantitatif, cet objectif est aussi et surtout une vue de l’esprit du point de vue technique. Mais la politique est avant tout affaire de symbole et d’affichage. L’objectif implicite est avant tout de préserver l’illusion de l’efficacité du recyclage permettant ainsi au petit monde de la plasturgie de maintenir ses positions acquises de longues dates. Mieux, il permet à certains oligopoles comme Nestlé ou Danone de continuer à mettre sur le marché des bouteilles plastiques, véritables bombes chimiques en devenir ; et ce pour le plus grand plaisir de l’ancienne lobbyiste en chef de Danone… et actuelle secrétaire d’État à l’écologie. La boucle est ainsi bouclée ! Sans doute la preuve qu’en matière politique, les déchets des un·es peuvent être les ressources des autres !

Stéphen Kerkhove

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