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En Charente, un village fait le pari d’une gestion collective des terres

Benoît Vandestick

Pour lutter contre la concentration des terres agricoles et la désertification, la commune d’Alloue a monté Terres en chemin. Cette société collective préserve des terres pour des projets d’installation agricole à taille humaine.

C’est un mal persistant qui frappe Alloue depuis une dizaine d’années. Ici comme ailleurs, les petites fermes disparaissent au profit d’exploitations toujours plus grandes. Les jeunes vont chercher mieux ailleurs et la population vieillit. Alors, les habitant·es d’Alloue ont décidé de reprendre la main sur la répartition des terres agricoles et de décider du modèle de développement dans lequel le village évoluerait.
La réflexion collective a mené à la création, en septembre 2016, de la Scic (Société coopérative d’intérêt collectif) agricole Terres en chemin. Elle a pour objectif de gérer les terres des agricultrices et agriculteurs parti·es en retraite pour les mettre à disposition de jeunes cherchant à s’installer. « Terres en chemin a le statut d’exploitation agricole », explique Christian Leduque, gérant de la Scic. « Elle a les mêmes droits et devoirs. Ce qui nous permet d’acheter, de louer, d’exploiter et de vendre des terres ».

Préserver une agriculture à taille humaine

« La commune compte 520 habitants et nous avons 23 fermes », explique le maire, Jean-Jacques Catrain. Ce qui fait de l’agriculture l’activité économique principale. La préservation de cette agriculture à taille humaine est menacée. « Aujourd’hui, les jeunes souhaitant s’installer en élevage viennent de plus en plus souvent de milieux urbains. Cela complexifie la transmission et les céréaliers des villages autour en profitent pour reprendre ces terres et s’agrandir », explique Christian Leduque.
C’est là que Terres en chemin intervient. « Le rôle de la Scic est de stocker les terres. Elle loue les prairies des agriculteurs partis à la retraite et s’en occupe, en attendant qu’un jeune vienne s’installer, explique l’élu. On empêche ainsi la spéculation. Ces systèmes se créent quand il y a du vide. En étant organisés et en installant les jeunes, ils ne viendront pas, puisqu’il n’y a pas de vide ». Pour le moment, deux agriculteurs partis à la retraite louent leurs terres à la Scic.

Reprendre en main l’avenir de la commune

Pour attirer les jeunes à Alloue, la Scic travaille main dans la main avec l’association d’expérimentation agricole Champs de partage. Les personnes accompagnées par l’association vont pouvoir se mettre en conditions à Alloue. Certain·es dans le but de s’y installer et d’autres simplement pour se roder avant de partir ailleurs. Mais la commune accueille également des porteuses et porteurs de projet souhaitant s’installer sans passer par cette association.
Jenny Lhoir, 36 ans, s’est installé sur les terres de la Scic pour y élever des canards coureurs indiens. « J’ai rencontré Christian Leduque. Il m’a parlé de Terres en chemin et m’a proposé de m’installer à Alloue. » L’activité de Jenny, d’abord en phase de test avec Champs de partage, occupe dix hectares.
D’autres projets d’installation seront étudiés au printemps. « Nous allons pouvoir décider des productions présentes dans la commune en fonctions de nos besoins », se réjouit Amandine Boutin, l’institutrice. Le maire va également actionner d’autres leviers pour développer les circuits courts : « Par exemple, faire le choix des produits locaux à la cantine ».
Benoît Vandestick

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