Article Aménagement du territoire Environnement

50 000 « Hambi bleilt ! » pour la forêt de Hambach

Hugo Jamard

Près de 50 000 personnes se sont rassemblées à Buir (Allemagne) début octobre 2018 pour célébrer le répit pour la forêt de Hambach dévastée par une mine géante de charbon, et en soutien à celles et ceux qui l’occupent pour la défendre.

Des sourires et des regards complices sur les quais de la ligne S-13 qui file vers l’ouest de Cologne ce matin. C’est que, ce samedi 6 octobre 2018, la plupart des usag·ères de la ligne se rendent au même endroit : la gare du village allemand de Buir, où doit avoir lieu un grand rassemblement en soutien aux défenseu·ses de la forêt de Hambach. Difficile de se tromper de chemin ou de sens, les pancartes et les drapeaux sont trop grands pour ne pas être repérés. Sur la plupart, la même inscription : Hambi Bleibt ! (Hambi doit rester !)

L’une des dernières forêts primaires

Hambi, c’est le nom affectueux donné à la forêt de Hambach par ses occupant·es depuis maintenant plus de six ans.

Désobéissance civile de masse à Hambach
Les 27 et 28 octobre 2018, 6 500 activistes de toute l’Europe ont bloqué les infrastructures minières de Hambach, en lien avec le réseau Ende Gelände. 4 000 personnes bloquant la voie de chemin de fer, des dizaines occupant une excavatrice dans la mine ont entre autres participé à « la plus grande action de désobéissance pour la justice climatique que l’on n’ait jamais vu en Allemagne ».

Cette forêt constitue le dernier rempart de bois et de mousse qui freine l’avancée inexorable de la mine de lignite (charbon très toxique) d’Etzweiler. Vieille de plus de 12 000 ans, elle est l’une des dernières forêts primaires d’Europe. Depuis le début de son exploitation, la mine à ciel ouvert, une des plus grandes et des plus polluantes d’Europe, a entraîné la destruction de 90 % de sa surface. (1)
Il reste aujourd’hui quelques 200 hectares de forêt que la compagnie allemande RWE (2) voudrait voir disparaître pour étendre la mine.
200 hectares qui, semble-t-il, vont rester vivants encore plusieurs mois au moins. Le vendredi 5 octobre 2018, la cour régionale administrative de Münster rendait une décision suspendant la reprise du déboisement tant que les recours juridiques n’auraient pas été épuisés. En cause notamment le recours de l’association allemande Bund au sujet de la préservation d’une espèce de chauve-souris protégée : la Murin de Beichstein.

Une mobilisation sans précédent pour la forêt de Hambach

L’heure était donc à la célébration et à la fête dans les champs qui bordent la forêt. Malgré les trains bloqués à quais à cause de l’affluence, pas loin de 50 000 personnes selon l’équipe organisatrice ont fait le déplacement pour montrer leur soutien à la préservation de la forêt. Un message inédit et fort envoyé aux membres de la « commission charbon » où les débats font rage sur les perspectives de sortie du charbon en Allemagne, et dont les décisions seront décisives pour la forêt de Hambach.
Parmi les manifestant·es beaucoup de jeunes, certain·es très militant·es, d’autres juste sensibles aux questions écologiques. Beaucoup de familles et d’enfants sont aussi présent·es. Face à la scène où s’enchaînent les prises de paroles de Greenpeace, de l’association Bund ou encore des Amis de la Terre International, la foule reprend en cœur les slogans « Hambi Bleibt » ou « Kohle Stoppen » Stop au charbon ! »). Des groupes de musique viennent électriser la manifestation qui prend des allures de festival d’été. Sous un soleil brûlant, la forêt apparaît vite comme un refuge d’ombre et de fraîcheur bienvenues. Pour beaucoup de participant·es, c’est la première fois qu’ils et elles pénètrent dans cette forêt qui fait parler d’elle dans toute l’Allemagne. Pour d’autres, c’est un lieu de jeux d’enfance et de détente qu’il s’agit de soutenir aujourd’hui.

La forêt de nouveau occupée

Une large partie de la foule entame alors une marche en direction de la forêt. Et ce sont plus d’une dizaine de milliers de personnes qui y pénètrent au gré des « Our goal, end coal ! » Notre mission, sortir du charbon ! ») et « Climate justice now ! »  La justice climatique maintenant ! »). Les forces de l’ordre, dépassées par le nombre, ne peuvent rien faire d’autre qu’accompagner le mouvement. Alors que le cortège finit par s’arrêter non loin de la mine, des militant·es d’Ende Gelände et des activistes s’engouffrent dans la forêt, et rapidement accrochent des hamacs et des banderoles entre les arbres. Profitant de la protection de la manifestation, la forêt, évacuée dans les dernières semaines, est de nouveau occupée.

Rapidement des camions de police arrivent sur le lieu alors qu’une partie de la manifestation s’est déjà dispersée. L’occupation reste pourtant calme et festive au son de la batucada. Dans la forêt, les militant·es s’activent tranquillement à amener des vivres, puis à ériger des barricades de bois morts pour freiner une potentielle tentative d’évacuation. Alors que le nombre de policiers augmente petit à petit, une activiste au mégaphone annonce : « Des militant·es ont pénétré dans la mine et bloquent en partie l’excavation de charbon ! ». Cris de surprise et de joie dans le campement improvisé. Les policiers présents, forcés de revoir leurs priorités, quittent peu à peu la zone d’occupation, alors que d’autres militant·es rejoignent les occupant·es pacifiques et soulagé·es.
La nuit tombe maintenant doucement sur la forêt de Hambach. Dans la pénombre, au-dessus des têtes des occupant·es et des policiers qui patrouillent sur les routes, les chauves-souris tournent dans l’air, comme pour célébrer elles aussi le répit gagné pour les créatures vivantes de Hambach.

Une évacuation qui a provoqué un décès
Depuis 2012, une Zad occupait une partie de la forêt de Hambach, avec une soixantaine de cabanes dans les arbres. « Dans notre lutte, nous n’es- sayons pas seulement de combattre le lignite et l’extractivisme, mais de créer une alternative positive. Nous essayons de vivre une vie dans laquelle les relations entre les gens ne sont pas régies par la cupidité et la compétition, mais par la solidarité, la communauté et la soutenabilité ».
Mais début septembre 2018, une opération policière de 4 000 hommes avec leurs blindés s’est attaquée à la Zad pour déloger ses occupant·es. Le 19 septembre, un journaliste proche des écologistes est mort en tombant d’un pont reliant 2 cabanes. Il s’appelait Steffan.
Ende Gelände est un réseau européen pour la sortie du nucléaire et contre l’exploitation du charbon. Il utilise la désobéissance civile non- violente de masse pour bloquer les sites d’extraction d’énergie fossile dans plusieurs pays européens. Contact : www.ende-gelande.org.
Contacts :
- Le blog de la forêt : https://hambachforest.org
- Le BUND (Amis de la Terre Allemagne) : www.bund.net
- Campagne pour la sortie du charbon en Allemagne : www.stop-kohle.de

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