Chronique L’action non-violente : mode d’emploi Paix et non-violence

Grève de la faim

Serge Perrin

Nous avons vu dans le numéro d’octobre 2018 le principe du jeûne. Dans le cas d’une grève de la faim, il n’y a pas de fin annoncée à l’absence de prise de nourriture : c’est une « menace » de se laisser mourir si la revendication exprimée n’est pas satisfaite.
C’est une action dangereuse pour les personnes qui la réalisent, souvent bouleversante pour leurs proches ou leurs soutiens, qui dramatise à l’extrême le rapport de force à établir.
Si un jeûne peut être mené par beaucoup de militant·es, une grève de la faim ne peut concerner qu’un groupe très limité de personnes face à une situation perçue comme particulièrement grave.
Cela implique, plus que d’autres actions, de mesurer sérieusement les risques que l’on est prêt·e à prendre avant de se lancer, au vu de sa situation personnelle, familiale, etc.

Ne pas mourir inutilement
Le but de la grève de la faim sera une revendication qui peut être atteinte et satisfaite dans un délai « raisonnable ». Suspendre la reprise de son alimentation à la satisfaction d’une revendication demandant plusieurs mois de travaux serait voué à un échec certain ! On estime que l’absence d’alimentation autre que de l’eau (et sans mise sous perfusion) peut durer jusqu’à une trentaine de jours sans séquelles (en particulier neurologiques). Cela dépendra beaucoup de la santé et des réactions du corps de chaque personne.

Être aux petits soins...
Toutes les recommandations utiles pour le jeûne sont valables ici aussi. Mais la grève de la faim demande encore plus de préparation en amont :
- au niveau corporel par une alimentation non carnée depuis plusieurs jours (et à la rupture du jeûne une reprise très en douceur) ;
- un suivi médical est nécessaire si le jeûne dure plusieurs semaines. La décision de l’arrêt de l’action en cas d’atteinte sur la santé de certain·es jeûneu·ses pourra se poser. Cette décision gagnera à être envisagée avant le démarrage de l’action.
- la durée de la grève de la faim mettra les jeûneu·ses dans l’impossibilité d’assumer la gestion du quotidien. Il faut prévoir un lieu calme, à l’écart des médias et des soutiens, avec des lits et un cabinet de toilette. Les « anges gardiens » prennent ici tout leur rôle : fourniture en eau, préparation ou aide à la toilette, informations et aide à la décision…

Se préparer
Si la revendication commence par une grève de la faim, il y aura plusieurs jours perdus avant que les médias ne s’y intéressent. Il faut que des actions de sensibilisation et de mobilisation aient lieu avant le démarrage. La constitution d’un réseau de comités de soutien sera importante pour effectuer d’autres formes d’actions non-violentes en parallèle et en complément de la grève de la faim.
Faut-il le rappeler ? L’action non-violente n’est pas une question de conversion de la conscience des décideurs, mais bien un rapport de force prenant pour levier une opinion publique favorable à notre revendication. Il est probable que des « négociations » (formelles ou informelles) s’avèrent nécessaires. Il faudra se déplacer et avoir les idées claires. Il est donc important qu’une équipe de négociat·rices soit mise en place par les jeûneu·ses avant le démarrage de l’action.
Dans l’histoire de la non-violence, nous pouvons constater que Gandhi a surtout utilisé la grève de la faim pour convaincre ses partisan·nes (contre l’utilisation de la violence par exemple).
La mise en jeu de sa vie sous-entend que celle-ci a de la valeur (morale ou médiatique) pour les décideurs. Des régimes totalitaires peuvent penser plus important de laisser mourir des grévistes. C’est pourquoi une évaluation des rapports de force politiques et du contexte, et un mouvement de soutien dynamique, sont nécessaires avant de se lancer.

Tous les deux mois, Serge Perrin aborde un aspect pratique de l’action non-violente.
Mouvement pour une Alternative Non-violente – Lyon, www.nonviolence.fr

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