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Taxe Tobin : 20 ans après, où en est-on ?

Dominique Plihon

L’idée d’une taxe Tobin a été popularisée il y a 20 ans, en 1998, dans un édito du Monde Diplomatique. L’enthousiasme créé par cette proposition a alors donné naissance à Attac (Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne). En quoi consiste cette idée ?
La taxe Tobin a été en effet l’instrument et l’objectif mis en avant à la création d’Attac en 1998. Concrètement il s’agit de prélever une taxe minime sur le montant des transactions financières internationales. Elle est un instrument de lutte contre la spéculation internationale dont les coûts économiques, politiques et sociaux sont considérables. À la fin des années 1990, des pays dits émergents comme l’Argentine ont connu de graves crises financières. La taxe Tobin est un instrument économique mais aussi politique fondé sur une vision critique de la finance mondialisée et libéralisée.
Pourquoi, 20 ans après, cette taxation n’a pas pu encore être mise en place ?
Le résultat est aujourd’hui ambivalent. Nous pensons qu’Attac a gagné la bataille des idées mais pas celle de la politique. Quand ce mot d’ordre a été lancé, les académiques, les politiques nous ont ri au nez. Les lobbys financiers et les grandes banques étaient et sont toujours vent debout contre cette taxe, puisqu’ils seront touchés de plein fouet si elle est appliquée. Nous étions ultra minoritaires.
Progressivement, à la suite de la crise de 2008, les instruments pour lutter contre cette finance ont été réinterrogés. Un nombre croissant de personnes s’est mis à défendre l’idée de cette taxe. Sous l’impulsion de la précédente Commission européenne et d’élu·es de la gauche du parlement, une directive sérieuse a même été proposée à l’UE en 2010. Or la France, à la différence de l’Allemagne, a freiné la négociation. La coalition d’ONG n’a pas lâché l’affaire et, à la fin du mandat de François Hollande, la directive était prête à aboutir. Malheureusement, est arrivé Emmanuel Macron, ancien banquier, avec un programme contre la taxe Tobin. La directive est aujourd’hui au point mort à cause, principalement, de la France. Tout de même, cet épisode montre bien qu’avec une volonté politique il est désormais possible, techniquement et juridiquement de créer une taxe proche de la taxe Tobin.
Quelles sont les leçons qui ont été tirées par Attac et comment se redéploie son action pour la justice économique et financière mondiale ?
L’opinion est très majoritairement pour la taxe Tobin. Avec la crise des finances publiques, les gouvernements sont à la recherche de ressources et pourraient abonder dans ce sens. Néanmoins pour Attac, la taxe Tobin n’a pas pour objectif de récupérer des fonds mais de lutter contre la spéculation et donc, à terme, d’éradiquer ce gain financier. D’autres ONG militent plutôt pour reverser ces taxes aux pays victimes.
Ces dernières années Attac s’est plutôt concentrée sur la lutte contre l’évasion fiscale. Mais nous sommes prêt·es, à la première occasion à relancer la taxe Tobin. Attac se tourne aujourd’hui vers de nouvelles formes d’action pour se faire entendre, comme la désobéissance citoyenne. L’organisation a élargi son action en intégrant pleinement la question écologique et la lutte contre les traités de libre-échange. Attac a aussi pour ambition de travailler avec les autres organisations vers une action collective. Nous ne créerons des rapports de force favorables que si nous sommes nombreu·ses à nous battre ensemble pour des objectifs communs. Taxe Tobin : 20 ans après, où en est-on ?

Pour en savoir plus :
Attac, 21 ter rue Voltaire, 75011 Paris, tél. : 01 56 06 43 60,
https://france.attac.org

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