Article Environnement Transports

La mobilité urbaine servie sur un plateau vert

Laurent Castaignède

« Un des avantages de l’hoverboard est qu’il respecte l’écologie. Étant donné qu’il s’agit d’un engin électrique qui fonctionne sur batterie, cela signifie qu’il ne pollue pas. C’est un moyen de circuler qui respecte donc l’environnement, tout en s’amusant. […] Cette planche motorisée représente l’avenir du déplacement économique et non polluant, c’est pour cela que les écolos dans l’âme n’ont pas hésité à l’adopter. » (1)

Laurent Castaignède est ingénieur de l’École Centrale Paris, fondateur du bureau d’études BCO2 Ingénierie (www.bco2.fr) et auteur de Airvore ou la face obscure des transports, éd.Écosociété, 2018.

Les antiques « skateboards », sous couvert d’ambition écologique, sont-ils condamnés à disparaître au profit de leur descendance motorisée ? À une ou plusieurs roues (2), des micro-véhicules électriques portables, bénéficiant de batteries compactes et d’une technologie pointue assurant la stabilité en roulant, se présentent comme une alternative propre à assainir nos trajets quotidiens. Faut-il boire ce discours vert ? Rien n’est moins sûr…
Comme dans le cas de tout nouveau concept de véhicule motorisé, fort de nos deux siècles d’expérience du sujet en terme de pollution induite de l’air par les transports (3), il est important de poser d’emblée les questions qui fâchent : quel est l’impact de leur fabrication, se substituent-ils ou s’additionnent-ils à d’autres moyens existants de déplacements, quel mode de production d’énergie les abreuve, allongent-ils les distances parcourues des déplacements qu’ils suscitent et, enfin, quel sera leur véritable destin en fin de vie ?

L’électrification de la micro-mobilité individuelle

Les métaux rares qu’ils mobilisent, à extraire puis enfouir ou recycler est un premier débat, largement traité avec l’essor nouvellement promis de la voiture électrique (4). Mais ici comme ailleurs, les extractions limitées de métaux critiques, tels le lithium (5) ou le cobalt (6), leur incapacité à convertir la totalité du parc thermique mobile existant (7), à assouvir en même temps les usages électroniques nomades tout en lissant des productions intermittentes d’électricité doivent nous interroger sur les priorités d’usage des batteries mobiles, depuis la grosse berline statutaire tout électrique jusqu’à la trottinette et le drône, en passant par les véhicules urbains de livraisons et les deux-roues thermiques. Sans orienter le marché de manière volontaire, il est à craindre que les usages énergivores et générateurs de profit, en mal de verdissement, drainent massivement ces précieuses ressources.
Nous manquons d’éléments tangibles sur le potentiel substitutif de tels déplacements. S’il remplacent sur un même parcours l’usage d’une voiture (en déclenchant le report modal vers les transports en commun), c’est très bien, mais leur proportion et leur pérennité posent question. Combien se substitueront à la marche s’ils conduisent à allonger les trajets, au bon vieux vélo ? Sans recul pour juger d’emblée leur efficacité globale, il est a minima permis de douter des prétendues vertus de l’électrification de la micro-mobilité individuelle...

(1) Site internet monhoverboard.net, « Hoverboard, guide et comparatif », §2.4.1, extrait en juin 2018.
(2) Tels la gyroroue (1 roue), l’hoverboard (2 roues) ou l’eskate (4 roues).
(3) Laurent Castaignède, Airvore ou la face obscure des transports, éd. Écosociété, chap. 2 à 5.
(4) À la fin du 19e siècle et au début du 20e, puis à chaque décennie depuis le début des années 1970.
(5) Plus de 70 % des réserves de base de lithium se trouvent dans les « salars » (lacs salés asséchés) de Bolivie, du Chili et d’Argentine.
(6) Près de 50 % des réserves de cobalt se trouvent dans la région du Katanga en République démocratique du Congo.
(7) Environ 1 milliard de voitures, 350 millions de camions et au moins 500 millions de motocycles.

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